While Waiting se présente comme une méditation interactive sur le temps qui passe, alliant poésie et frustrations mécaniques. Dans un paysage vidéoludique dominé par l’action frénétique et les quêtes épiques, ce jeu se démarque en offrant une pause contemplative. Développé par Optillusion, à qui l’on doit notamment le puzzle game acclamé Moncage, ce titre expérimental transforme l’attente en un véritable acte artistique. À travers cent scènes du quotidien, il invite le joueur à observer la vie défiler ou à y jeter un grain de sable. Toutefois, derrière cette ambition poétique se cachent des choix de design parfois discutables, faisant de cette expérience un ovni aussi fascinant que perfectible.
L’art de patienter (ou pas)
Optillusion, surnommé « l’Alchimiste de l’Intime », s’est forgé une réputation en mariant narration minimaliste et mécaniques inventives. Avec Moncage, le studio avait déjà exploré des perspectives impossibles, et avec While Waiting, il s’attaque au flux du temps. Leur approche résolument anti-mainstream séduit les joueurs en quête de sens plutôt que de sensations fortes, un pari risqué qui confirme leur statut de laboratoire créatif indépendant.
Le but du jeu est d’explorer l’attente comme matière première. While Waiting suit un protagoniste anonyme de sa naissance à sa mort, capturant des instants banals où le temps semble suspendu, comme faire la queue à la caisse d’un supermarché, attendre un bus sous la pluie ou guetter un feu piéton. Le joueur est libre de choisir entre ne rien faire et laisser le temps s’écouler en contemplant les détails des décors et des personnages secondaires, ou interagir en résolvant de mini-énigmes et en déclenchant des événements humoristiques ou chaotiques, tels que voler un pain au chocolat ou perturber un rendez-vous amoureux. Cette dualité reflète une philosophie sous-jacente : dans un monde obsédé par la productivité, l’acte d’attendre devient subversif, et le jeu questionne ainsi notre rapport à l’ennui tout en offrant une galerie de moments universellement reconnaissables.
L’histoire se tisse discrètement sans dialogue ni texte explicite. Elle se dévoile à travers des décors évocateurs – une chambre d’enfant tapissée de posters, un campus universitaire animé, ou encore un aéroport anonyme – et à travers la présence de personnages récurrents tels qu’un ours en peluche confident, un ex-partenaire toxique ou des inconnus croisés dans un métro. Des étapes-clés de la vie, comme le premier amour, des crises existentielles ou les regrets de la vieillesse, viennent ponctuer ce récit. Bien que la trame reste globalement prévisible, des détails touchants émergent, comme une partie de cache-cache trichée avec des amis d’enfance ou un cours d’art saboté par malveillance, esquissant ainsi un portrait mélancolique de l’existence.
Entre zen et frustration
Le gameplay oscille entre zen et cauchemar mécanique. Chaque scène, durant de deux à cinq minutes, propose un nombre variable de défis, allant de défis passifs où l’on laisse simplement le temps s’écouler, à des défis actifs, comme jouer à un clone de Flappy Bird sur un téléphone portable virtuel, trier des livres façon Tetris, voire reproduire le célèbre Desert Bus. Ce qui ressort clairement, c’est l’originalité du concept qui ose faire de l’attente une mécanique centrale. Le jeu séduit par son humour absurde, illustré par des spams sortant d’une boîte de conserve pour symboliser des toilettes ou un distributeur de sodas capricieux, et par la liberté qu’il offre, permettant de jouer en arrière-plan pendant une pause-café, sans pression. Toutefois, le titre n’est pas exempt de faiblesses. Les contrôles se montrent parfois imprécis sur Switch, les commandes similaires aux touches WASD et Space Bar rendant certains défis exaspérants, notamment lorsqu’il s’agit de viser un objet minuscule. Des bugs techniques, comme des scènes qui se superposent ou des crashs occasionnels, viennent également entacher l’expérience, sans oublier des objectifs contradictoires où certains défis actifs rallongent l’attente, punissant paradoxalement l’engagement du joueur.
Un casse-tête malgré tout
La maniabilité souffre notamment de l’absence d’un système point-and-click, pourtant idéal pour ce genre de jeu. Les déplacements se font de manière rigide, le joystick peinant à cibler les interactions fines, transformant de simples énigmes en véritables calvaires. L’interface mal adaptée, avec des défis chronométrés affectés par la latence des boutons, ainsi qu’une solution de fortune sous forme d’un fidget toy virtuel en coin d’écran qui peine à compenser ces lacunes, contribuent à cette sensation de casse-tête non-intentionnel.
La partie sonore se distingue par une bande-son composée de pièces classiques au piano et aux cordes, qui alterne habilement entre mélancolie et légèreté. Si cette musique installe une ambiance apaisante, sa répétitivité finit par lasser. L’absence totale de bruitages ou de voix renforce l’atmosphère contemplative, tout en accentuant le sentiment de vide dans les scènes les plus longues.
5h de méditation (ou d’ennui)
En termes de durée de vie, While Waiting offre une expérience d’une éternité relative. La campagne principale, qui consiste à traverser les cent scènes en mode passif, peut se compter en environ cinq heures. Pour les joueurs complétionnistes, débloquer tous les stickers (défis) peut étendre cette durée jusqu’à dix heures. Le rythme se prête bien aux sessions courtes d’environ quinze à vingt minutes, même si l’absence de variété sur le long terme pourra lasser certains.
Sur le plan visuel, le jeu adopte un style minimaliste et élégant, inspiré des bandes dessinées en noir et blanc. Les silhouettes et les tons pastel des personnages et des décors apportent une simplicité qui séduit, tandis que de charmants détails – comme un téléchargement bloqué à 99 % ou des étagères de supermarché trop bien rangées – viennent renforcer l’identité visuelle. Néanmoins, certaines incohérences, telles que des animations saccadées ou des perspectives bancales, brisent parfois l’immersion.
While Waiting est disponible sur l’eShop de la Nintendo Switch.
Conclusion
While Waiting se révèle être une œuvre ambivalente, véritable miroir de nos contradictions modernes. D’un côté, il offre une parenthèse méditative rare, célébrant la beauté des instants insignifiants, et d’un autre, ses lacunes techniques et mécaniques rappellent que même le temps, lorsqu’il est virtuel, peut sembler interminable. Cette expérience, aussi fascinante que perfectible, séduira les joueurs en quête d’une réflexion sur l’ennui et la lenteur dans un univers habituellement dominé par l’action.
LES PLUS
- Un concept original et audacieux
- Une atmosphère contemplative
- Une bande-son élégante
- Des graphismes minimalistes
- Une liberté d'interaction
- Une narration subtile
LES MOINS
- Des contrôles imprécis sur Nintendo Switch
- La présence de bugs techniques
- Une interface mal adaptée
- Une répétitivité de certaines mécaniques
- Une bande-son qui souffre de sa répétitivité
- Un sentiment de vide renforcé par l'absence de bruitages ou de voix