Il y a des jeux étranges, des jeux que nous plaçons dans les inclassables, tant leur forme et leur fond nous surprennent. Et puis il y a Angels with Scaly Wings, un visual novel de science-fiction dans lequel nous rencontrons des dragons et tissons des liens plutôt… charnels avec eux.
Le jeu est le premier de Radical Phi, un studio sur lequel nous ne trouvons aucune information sur la toile. Nous savons juste que le jeu existe grâce à un financement participatif, qu’il se décline en énormément de produits dérivés, et qu’un préquel en bande-dessinée est disponible. Angels with Scaly Wings (Des Anges avec des Ailes Squameuses) est sorti sur toutes les plateformes le 30 avril 2021 au prix de dix euros, et est édité par Ratalaika Games, un habitué de nos consoles.
Êtes-vous prêts à sauver l’humanité tout en rencontrant des dragons très (très) amicaux ?
Avant de commencer le test, nous tenons à préciser que le jeu ne propose aucune traduction française. Un niveau bon / courant en anglais est nécessaire pour jouer à Angels with Scaly Wings.
De la science-fiction, des dragons, et de l’amour
Angels with Scaly Wings est donc un visual novel dans lequel nous sommes plongés dans un monde apocalyptique quelques décennies après notre époque. Alors que la planète est proie au chaos, nous trouvons sur Terre un portail inconnu assez étrange qui semble fonctionnel.
Un premier humain, Reza, un de nos camarades d’école, fut envoyé quelques jours auparavant en tant qu’éclaireur. Selon ses derniers messages, il y aurait toute une civilisation de dragons qui vivrait derrière ce portail.
Alors que nous manquons d’énergie pour envoyer massivement des Hommes à la visite de ce nouvel univers, notre personnage est envoyé en tant qu’ambassadeur de l’humanité. Notre rôle sera de concrétiser le marché que notre espèce vient de finaliser avec les dragons. En échange d’un PDA avec nos technologies, ces derniers nous livrent des générateurs capables de combler notre manque d’énergie. Nous voilà alors partis dans une aventure pour le moins… étonnante.
Dès notre arrivée, nous remarquons que les dragons, en réalité, ne sont pas si différents que les humains. Ils possèdent la même culture, le même type de civilisation, et même s’ils nous prennent pour des créatures mythiques, ils vivent et mangent de la même façon que nous.
Angels with Scaly Wings a un gameplay très classique qui ne dépaysera pas les habitués des visual novels. Nous enchaînons les images une à une avec peu ou prou d’animation et énormément de texte. Parfois, nous aurons la possibilité de prendre des décisions. Certaines auront un impact sur le récit, d’autres sur nos relations avec les dragons qui nous entourent, et d’autres seront juste futiles.
Angels with Scaly Wings propose, comme tout jeu de rencontres, un éventail de dragons aux personnalités très différentes que nous rencontrerons lors de nos temps libres. Nous avons d’un côté Adine, la dragonne un peu timide qui aide des pauvres orphelins, Bryce, le policier très à cheval sur le code d’honneur, Anna, la scientifique working girl pleine d’énergie, ou encore Lorem, le facteur maladroit qui s’avère être un créateur de jeux vidéo. Il y en a encore quelques autres qui ont une caractérisation marquée et qui doivent permettre de toucher au maximum le public visé.
En plus de rencontrer des dragons, nous enquêtons aussi en parallèle sur d’étranges meurtres qui débutent lors de notre arrivée.
Angels with Scaly Wings est un jeu avec plusieurs fins et avec des décisions qui changent la tournure du récit. Nous ne sommes pas dans une structure à éventail comme dans The Stanley Parable, où chacun de nos choix mène à un chemin différent, mais le nombre de possibilités est assez grand.
Un scénario avec beaucoup d’incohérences
Angels with Scaly Wings est une histoire assez longue, bien qu’énormément de dialogues sont inutiles (nous en parlerons plus tard), qui propose sans rejouabilité une durée de vie de quatre à cinq heures. Pour dix euros, c’est une durée tout à fait acceptable. De plus, le jeu est conçu de telle façon à ce que vous ne puissiez discuter qu’avec un certain nombre de dragons à chaque temps libre, ce qui ajoute un peu plus de rejouabilité et qui donne envie de connaître les treize fins disponibles.
Le scénario démarre plutôt bien. Les éléments s’enchaînent de façon assez fluide au début et réussissent à captiver notre attention. Un portail ? Des dragons ? Des meurtres ? Structurellement, le jeu-vidéo respecte les codes de la narration qui vont permettre aux joueurs de se sentir en terrain connu. Nous arrivons à nous plaire dans ce monde et dans les mystères qui l’entourent.
De plus, le jeu est entièrement tactile, ce qui rend l’expérience portable très agréable : nous pouvons prendre nos décisions sans avoir à passer par la fastidieuse manette.
Cependant, et bien trop rapidement, notre intérêt pour le récit diminue progressivement, la faute à un mélange des genres malvenus qui perturbent notre progression. Angels with Scaly Wings fut, selon les mots de son créateur, l’occasion de faire un mix de toutes les idées que ce dernier avait en tête. En résulte un jeu fourre-tout où la narration est lourde et rébarbative.
Imaginez-vous donc. Nous sommes le deuxième humain qui arrive dans une société où nous sommes vus comme des créatures mythiques. Alors que nous sommes là depuis une journée, des meurtres mystérieux se déroulent et nous sommes en toute logique soupçonnés de ces méfaits. Avons-nous vraiment envie, après avoir vu un cadavre de dragon et que nous sommes surveillés, de discuter avec les autres dragons autour de nous afin de faire plus ample connaissance ?
Au contraire, nous avons envie de résoudre au plus vite les meurtres, à la fois pour prouver notre innocence, mais aussi pour que le récit avance. Chaque rencontre avec un dragon nous détourne du récit principal et semble presque faire partie d’un autre jeu.
De plus, Angels with Scaly Wings a énormément d’incohérences dans le récit qui gênent la lecture. La science-fiction, plus que tout autre genre, se doit d’être impeccable pour que l’histoire ne paraisse pas invraisemblable. Prenons quelques exemples : nous sommes avec des dragons, des créatures qui utilisent les airs pour toutes leurs activités, et pourtant, chez eux, ils utilisent des escaliers qu’ils détestent et qui sont peu ergonomiques. Pourquoi une espèce qui vole aurait besoin d’escaliers ?
Lors d’une scène très importante, notre personnage évoque Hiroshima, un événement qu’une civilisation autre que le nôtre ne peut connaitre si nous ne l’expliquons pas. Pourtant, les dragons ne s’en émeuvent jamais et boivent les paroles de notre personnage, même si, en toute logique, ils n’ont absolument rien compris à ce que nous racontions.
Un jeu niche, pour les gens qui aiment les dragons peut-être un peu trop
Nous avons encore une liste d’incohérences qui ne sont justifiées en rien par la dramaturgie. Au lieu d’être emportés par le récit, nous sommes au contraire circonspects à chaque incohérence, ce qui, forcément, pénalise la globalité de l’histoire.
Toujours sur la structure, Angels with Scaly Wings, à vouloir faire des retournements de situation pour captiver son lecteur, brise une règle indispensable qui va en sortir plus d’un du récit.
Pour faire simple, le midpoint (ou mid-climax) est un moment crucial au milieu d’une histoire où le personnage vit un évènement qui va changer la perception de son objectif. Or, dans Angels with Scaly Wings, le midpoint est amené par la révélation d’un secret de notre propre personnage. Étant donné que nous sommes dans un point de vue à la première personne, nous sommes censés vivre le récit avec lui et posséder les mêmes informations que lui.
En révélant des secrets que nous ne connaissions pas, nous ne pouvons plus vivre les évènements avec lui. Nous nous détachons donc indubitablement de notre personnage, et notre confiance est donc abîmée.
Les autres révélations sont elles-aussi très souvent tirées par les cheveux, et nous terminons par hausser les sourcils à chaque fois que celles-ci se présentent à nous. C’est vraiment un des points dommageables, car le récit se présentait bien et il se délite de lui-même, la faute à un manque de rigueur dans l’écriture.
Les dialogues sont aussi très souvent futiles, car ils ne nous apportent pas grand-chose sur le récit ou l’histoire. Nous supposons que les passionnés de jeux de rencontre y trouveront leur compte, mais nous sommes bien loin de l’écriture ciselée d’un Catherine ou d’un Life is Strange.
Bien que celui-ci ne soit que suggéré, le public visé appréciera par ailleurs l’érotisme que l’histoire déploie avec les dragons. Avez-vous eu déjà envie de laver le dos d’une dragonne sous la douche ? Nous ne savons pas s’il existe un public pour ce genre de fantasmes, mais si celui-ci est votre petit secret honteux, alors le jeu sera parfait pour vous.
La bande-son ressemble aux autres visual novels. Des musiques cosys, qui ne brillent pas forcément mais qui remplissent leur fonction de remplissage. La quantité de musiques est assez conséquente pour nous faire tenir toute l’aventure.
Les graphismes sont assez jolis, et si vous aimez les dessins de dragon, vous serez comblés par ce visual novel. Nous débloquons des images toujours softs mais qui suggèrent de plus en plus de choses avec les dragons que nous rencontrons. Attention, par contre, il y a aussi des dessins de dragons assassinés, donc les plus fanatiques pourront aussi être révulsés par cette vue.
Attention, nous le répétons, mais le jeu n’est pas disponible en français.
Conclusion
Angels with Scaly Wings est un des jeux les plus étranges auxquels nous avons eu affaire. Visual novel de science-fiction dans un monde apocalyptique avec des meurtres, c’est aussi un jeu de rencontres avec des situations très suggestives en compagnie de dragons. L’histoire démarre bien, propose un contenu assez conséquent pour son prix ainsi que des personnages très bien caractérisés, mais malheureusement elle se perd dans un récit un peu fourre-tout. Les incohérences et les révélations mal amenées vont en rendre perplexe plus d’un. Cependant, nous ne doutons pas que le jeu plaira à un public bien spécifique. Attention, le jeu ne propose aucune traduction française.
LES PLUS
- Un récit qui démarre très bien et qui réussit à nous accrocher
- Des personnages différents et tous très bien caractérisés
- Une durée de vie intéressante pour son prix
- Une rejouabilité assez forte
- Des fins différentes
- Des jolis dessins
- Une musique qui remplit parfaitement sa fonction
- Le jeu est entièrement tactile
LES MOINS
- Aucune traduction française
- Des incohérences dans le récit
- Des dialogues pas très bien écrits
- Le midpoint qui nous sort du récit
- Un récit fourre-tout qui se perd
- Trop de retournements de situation qui n’ont pas de logique
- Un jeu pour un public très spécifique
- Le dernier chapitre un peu court ?
- De l’érotisme avec des dragons ?