Balatro, le jeu de poker solitaire qui fait un carton depuis sa sortie, vient d’avoir droit à une version inattendue : un prototype jouable sur le très oublié Nintendo e-Reader. Derrière ce projet insolite, on trouve Matt Greer, développeur passionné et nostalgique de cet accessoire méconnu du Game Boy Advance. Il a partagé son travail sur son blog, expliquant comment il a conçu cette adaptation extrêmement limitée mais fonctionnelle du jeu culte… sur un support vieux de plus de 20 ans.
Pour rappel, le Nintendo e-Reader était un périphérique permettant de scanner des cartes pour débloquer de petits jeux ou du contenu additionnel. Malgré son échec commercial, il continue de faire rêver certains développeurs amateurs. Matt Greer fait partie de ces irréductibles. Grand amateur de Balatro, auquel il confesse avoir consacré un nombre embarrassant d’heures, il s’est lancé dans un défi fou : créer un prototype du jeu pour le e-Reader. Et contre toute attente, il y est parvenu.

Le résultat ? Un prototype authentique mais limité. Certaines parties sont simulées, comme l’écran de sélection de blind ou l’écran de victoire. Ces phases sont automatiquement déclenchées et ne réagissent pas aux actions du joueur. Mais une fois la partie lancée, le cœur du jeu fonctionne bel et bien. On peut jouer des mains, marquer des points (enfin, si on joue des paires ou des full houses – les suites ne sont pas encore prises en compte), et même utiliser deux jokers codés à la main : Fibonacci et Splash. Certes, ce n’est qu’un aperçu miniature de l’expérience Balatro, mais c’est bel et bien jouable.
Greer détaille les nombreux défis techniques rencontrés. Le e-Reader a des capacités extrêmement limitées : une résolution de 240×160 pixels, seulement 56 sprites disponibles à l’écran, une gestion rudimentaire des chiffres (jusqu’à quatre nombres de cinq chiffres maximum), et aucune prise en charge native des nombres à virgule. Pour contourner certaines de ces limites, il envisageait l’utilisation de nombres « à virgule fixe », un compromis connu mais contraignant.
La gestion des jokers pose aussi un problème majeur. Balatro en contient 150, chacun avec des effets et un visuel uniques. Impossible de tous les intégrer dans une version e-Reader. Il faudrait en sélectionner quelques-uns seulement, ce qui pourrait nuire à la richesse tactique du jeu. De même, l’affichage de tous les chiffres présents dans une vraie partie de Balatro – chips, multiplicateurs, mains restantes, scores, objectifs – serait presque impossible sur le plan technique, à moins de repenser entièrement l’interface avec des sprites ou des backgrounds optimisés.
Quant à l’espace mémoire, c’est un autre mur à franchir. Les jeux sur e-Reader sont codés sur des cartes contenant des « bandes de données ». Son prototype en utilise déjà deux, soit quatre bandes. Un jeu complet pourrait en nécessiter huit, dix, voire douze – le maximum théorique. Mais Greer reste confiant : en codant intelligemment, tout est question de concessions.
Et pourquoi ne pas plutôt développer Balatro en tant que vrai jeu Game Boy Advance ? Ce serait plus facile, admet-il, mais là n’est pas la question. Il aime le e-Reader. Il aime ce que représente ce support oublié, aussi étrange et contraignant soit-il. C’est une passion, un exercice de style. Ce prototype n’est pas pensé pour être publié ou utilisé : il ne sera pas partagé sans l’accord des créateurs du jeu original, LocalThunk.
Ce que montre ce projet, au-delà de sa prouesse technique, c’est l’amour d’un développeur pour un jeu, un support, et un défi. Un hommage touchant à la fois à Balatro et à l’ère GBA. Une déclaration de passion d’autant plus admirable qu’elle n’a pour but ni profit, ni popularité, mais simplement le plaisir de créer.








