Ce 21 juillet 2025 marque l’anniversaire des 30 ans du Virtual Boy, sans doute l’un des projets les plus étranges — et les plus incompris — de l’histoire de Nintendo. Lancé en 1995 au Japon, puis aux États-Unis un mois plus tard, ce casque de jeu vidéo à affichage stéréoscopique est resté dans les mémoires non pas pour ses succès… mais pour son échec spectaculaire. La console n’est même jamais sortie chez nous. Pourtant, derrière la débâcle commerciale, le Virtual Boy est aussi le symbole d’une prise de risque, d’une tentative d’innover bien avant que la technologie ne soit finalement prête.
Conçu par Gunpei Yokoi, le père de la Game Boy et des Game & Watch, le Virtual Boy se voulait révolutionnaire. Il promettait une expérience de jeu en pseudo-3D grâce à deux écrans distincts affichant des images légèrement décalées pour chaque œil. Installé sur un trépied à poser sur une table, le joueur devait littéralement plonger son visage dans le casque pour jouer, manette en main mais hors de vue. Dès le départ, l’objet déroute : ni vraiment portable, ni vraiment de salon, peu confortable et techniquement limité.
Le plus grand reproche reste son affichage monochrome rouge et noir, censé limiter la fatigue visuelle, mais qui provoque maux de tête et nausées. À cela s’ajoute un catalogue de jeux famélique, souvent moyens, et jamais à la hauteur des promesses de la 3D. Seule une poignée de titres comme Wario Land, Red Alarm ou Vertical Force arrivent à tirer leur épingle du jeu. Même des fonctions prévues, comme le multijoueur ou les capacités des doubles croix directionnelles de la manette, ne seront jamais réellement exploitées.
Au total, moins de 800 000 unités seront vendues dans le monde, ce qui fait du Virtual Boy la console la moins vendue de toute l’histoire de Nintendo. La production est stoppée en moins d’un an, et la version européenne ne verra jamais le jour.
Gunpei Yokoi a assumé une grande part de responsabilité dans l’échec commercial du Virtual Boy. Bien qu’il ait déjà travaillé sur la Game Boy Pocket avant la sortie du Virtual Boy, cette version révisée et plus compacte de la Game Boy originale a souvent été perçue comme une sorte de « réparation symbolique », même si ce lien n’a jamais été confirmé officiellement par Nintendo.
Peu après, en 1996, Yokoi quitte Nintendo après plus de 30 ans de service. Il fonde alors sa propre société, Koto Laboratory, avec pour ambition de concevoir des produits indépendamment de Nintendo. Il collabore notamment avec Bandai pour développer la console portable WonderSwan, destinée au marché japonais.
Tragiquement, Gunpei Yokoi décède le 4 octobre 1997 dans un accident de la route. Alors qu’il voyageait avec Etsuo Kiso, collègue de Koto Laboratory, leur voiture est impliquée dans une collision sur l’autoroute Hokuriku au Japon. Descendu du véhicule pour inspecter les dégâts, Yokoi est heurté par une autre voiture. Il décède peu après à l’hôpital, à l’âge de 56 ans.
Malgré la fin abrupte et douloureuse de sa carrière, Gunpei Yokoi laisse derrière lui un héritage immense. Il a profondément influencé la philosophie de Nintendo : privilégier l’ingéniosité et le gameplay sur la simple puissance technique. Sans lui, la trajectoire de la firme aurait sans doute été bien différente. Le Virtual Boy, bien qu’échec, reste aujourd’hui un témoin de l’audace de ses idées et de sa volonté constante d’innover.
Mais malgré cet échec retentissant, le Virtual Boy a laissé une empreinte bien réelle. D’abord, parce qu’il a montré que Nintendo était prêt à expérimenter, quitte à se brûler les ailes. Ensuite, parce qu’il a indirectement préparé le terrain à la Nintendo 3DS, qui réussira brillamment, quinze ans plus tard, à proposer une 3D stéréoscopique sans lunettes, cette fois avec un véritable succès commercial.
Longtemps moqué, le Virtual Boy a trouvé au fil des ans une seconde vie auprès des collectionneurs et des passionnés comme le rédacteur de cet article. Sa communauté, notamment autour du site Planet VB, reste active. Des développeurs amateurs continuent à créer de nouveaux jeux pour la machine, ou à finaliser ceux qui avaient été abandonnés. Des titres homebrew comme Mario Combat ou Faceball ont vu le jour, preuve que la machine suscite encore la curiosité.
Nintendo n’a jamais vraiment renié le Virtual Boy. Bien au contraire, la firme japonaise en parle aujourd’hui avec une certaine affection, comme un souvenir d’enfance un peu embarrassant, mais précieux. Même Satoru Iwata, alors PDG, l’avait évoqué avec humour et recul à l’époque du lancement de la 3DS.








