Le whodunit, abandonné à l’orée des années cinquante, fait un retour progressif dans l’art, notamment grâce aux jeux vidéo. Ces derniers promettent encore plus d’interactivité que les romans, nous laissant toute la latitude nécessaire pour résoudre les crimes les plus odieux. Staffer Case: A Supernatural Mystery Adventure est un visual novel d’enquête développé par les Coréens de Team Tetropod. Est-ce que le jeu, disponible à vingt-quatre euros cinquante depuis le 29 mai 2025 sur l’eShop, est la nouvelle référence pour tous les enquêteurs en herbe ?
Avant de commencer le test, nous tenons à préciser que le jeu ne propose aucune traduction française. Un niveau courant en anglais est nécessaire pour jouer à Staffer Case: A Supernatural Mystery Adventure
Un whodunit dans un univers surnaturel
Staffer Case: A Supernatural Mystery Adventure (que nous abrégerons en Staffer Case pour la suite du test) nous place dans un Londres alternatif des années soixante. Dans ce monde, une partie de la population, les staffers, possède des pouvoirs surnaturels et certains en abusent pour commettre des crimes.
Nous incarnons Notrick Case, un jeune homme invité à devenir le nouveau détective de la division des affaires de mana, une police spéciale composée de staffers pour résoudre les affaires surnaturelles.
Notrick, lui, est une sorte d’anomalie dans ce paysage : il n’a pas de pouvoir particulier, et surtout, ses équipiers ne semblent même pas au courant de son arrivée. Nous devrons alors prouver que nous méritons notre place en ayant comme seule arme notre logique.
Malgré son nom, Staffer Case est avant tout un visual novel avec quelques passages d’enquête. Nous passons la grande majorité du temps à lire des dialogues en anglais.
Nous ne menons pas réellement l’enquête au sens propre du terme : la plupart du temps, nous allons devoir combiner les preuves ensemble afin d’affirmer ou d’infirmer une thèse ou un propos. Comme nos collègues ont des pouvoirs (comme la capacité d’avoir la « mémoire » des objets ou de voir les empreintes de pas), nous allons avoir énormément de matériels à notre disposition.
Par exemple, une suspecte nous informe dans sa déposition qu’avant le meurtre, la victime était en train de dormir et qu’elle n’a pas osé la déranger pendant sa sieste. Mais comment pouvait-elle savoir que la victime dormait si elle n’est pas entrée dans la pièce ? Grâce aux souvenirs de la chaise, nous découvrons que quelqu’un a ronflé dessus, et donc que la suspecte nous raconte certainement la vérité.
Le jeu nous emmène au cœur de l’enquête (mais en restant un visual novel) et nous permet progressivement de découvrir les personnages et leurs antécédents. Il y a cinq enquêtes et plusieurs à-côtés bonus.
Staffer Case est un jeu avec beaucoup de promesses mais qui nous a laissé un sentiment mitigé. Le contenu est là et les enquêtes sont conséquentes, avec des révélations et des interrogatoires qui rythment l’expérience, mais l’écriture est trop clichée (pour nous) et nous n’avons pas réussi à entrer dans le récit.
Un visual novel au contenu généreux mais pas traduit en français
L’histoire nous place à Londres, dans les années 1960… Mais les personnages parlent et vivent comme dans les trois quarts des JRPGs. Les clichés sont si présents qu’il est impossible de se laisser bercer par les personnages. Hormis quelques blagues sur le thé, Londres (et même si nous sommes dans un Londres « alternatif ») n’est qu’un prétexte assez bancal et la personnalité de nos collègues est trop catégorisée JRPG pour ressentir de l’empathie pour ces derniers.
En ce sens, Staffer Case ressemble un peu aux productions hollywoodiennes qui tournent à l’étranger sans se préoccuper de la vraisemblance. Nous n’avons pas réussi à entrer dans le jeu, mais il y a énormément de personnes qui ne sont pas dérangées par ces détails et qui peuvent faire fi de ces problématiques. Ces personnes-là pourront suivre sans problème ce visual novel et apprécier les aventures de Notrick avec ses compagnons.
Le whodunit peut aussi décevoir les habitués : comme nous sommes dans un univers où les personnages ont des pouvoirs surnaturels (a contrario du décalogue de Knox), les révélations sont parfois alambiquées (peu logiques) et ne provoquent pas de sentiment de satisfaction pour le joueur lors de leur résolution. Là encore, ceux qui veulent juste un visual novel avec un fond d’enquête sans se poser la question de la vraisemblance pourront suivre le récit sans problème.
Le contenu est généreux, avec plus d’une vingtaine d’heures au programme, les personnages, même clichés, deviennent un peu plus intéressants au fil de la progression, les enquêtes sont bien rythmées et nous avons envie de découvrir le coupable.
Staffer Case propose aussi une rejouabilité étonnante : chaque enquête a plusieurs routes disponibles ! Nous pouvons nous tromper et emprunter des voies qui sont très éloignées de ce qui s’est réellement passé.
Le jeu est aussi peu punitif et nous pouvons tenter toutes les réponses possibles sans aucune pénalité. Nous pouvons aussi utiliser des indices afin de rendre l’expérience accessible en fonction de notre niveau de jeu. Parfait pour les détectives du dimanche…
Parlons désormais de deux problèmes : l’absence de traduction et le prix. Le jeu est intégralement en anglais. Nous sommes dans un visual novel très bavard avec des termes parfois spécifiques (liés aux enquêtes) qui nécessitent une maîtrise parfaite de l’anglais. Ceux qui ne maîtrisent par la langue de Shakespeare (en l’occurrence, plutôt d’Agatha Christie) ne pourront pas profiter du jeu.
Un jeu qui peut autant séduire que frustrer
Concernant le prix, vingt-quatre euros pour une vingtaine d’heures de jeu est un bon tarif. L’expérience est généreuse, avec un contenu conséquent et un jeu créé avec passion. Cependant, le jeu (avec Staffer Reborn) est disponible sur PC… à treize euros ! Cependant, le portage Nintendo Switch offre un doublage intégral en japonais que ne possède pas le jeu original. Nous vous laissons alors être juges : est-ce que vous êtes prêts à payer onze euros de plus pour un doublage complet ?
La direction artistique est très classique mais efficace. Nous sommes dans une ambiance sombre, avec des personnages aux traits manga, qui colle parfaitement à l’univers du crime… à condition, là encore, que vous acceptiez le côté très « japonisant » pour ce Londres alternatif des années soixante.
Nous pourrions dire la même chose pour le doublage japonais : celui-ci est de qualité, mais les comédiens nous placent plus dans un univers de manga que dans une enquête policière au cœur de Londres. La bande-son est intéressante même si certaines pistes se répètent et peuvent devenir redondantes.
Nous vous joignons une vidéo du début de l’aventure enregistrée par nos soins afin de mieux voir si l’expérience peut vous plaire.
Conclusion
Staffer Case: A Supernatural Mystery Adventure est un jeu qui nous laisse indécis : d’un côté, c’est un fait, le jeu propose un visual novel d’enquête au contenu de qualité, avec une durée de vie conséquente et une direction artistique (ainsi qu’un doublage cohérent), mais de l’autre, pour apprécier l’expérience, il faut accepter le manque de vraisemblance et les personnages très clichés, ce que nous n’avons pas réussi à faire. Finalement, Staffer Case est un jeu fait pour vous si vous maîtrisez parfaitement l’anglais, si vous aimez les visual novels très bavards avec quelques moments occasionnels d’interactivité, que payer onze euros de plus pour un doublage intégral ne vous dérange pas et si vous n’êtes pas gênés par des personnages tout droit sortis d’un JRPG placés de façon abrupte dans le cœur de Londres.
LES PLUS
- Un visual novel généreux qui nous permet de mener l’enquête
- Un contenu conséquent
- Un doublage intégral en japonais
- Cinq enquêtes complètes et quelques bonus
- Plusieurs chemins
- Un jeu accessible qui laisse le joueur se tromper
LES MOINS
- Aucune traduction française
- Des personnages très clichés, peu adaptés au décor
- Un doublage qui nous ramène plus dans un manga que dans un jeu d’enquête
- Onze euros pour le doublage par rapport au PC – à vous de voir si ça vous intéresse
- Les amateurs de whodunit pourront être frustrés
- Quelques pistes répétitives









