Plonger dans un Disgaea, c’est accepter de perdre la notion du temps, de se laisser absorber par un univers où l’absurde le dispute au génie stratégique. La série, depuis ses débuts sur PS2, a connu des hauts (Disgaea 5 Complete sur Switch) et des bas (Disgaea 6). Alors, quand Disgaea 7 Complete débarque sur Nintendo Switch 2, la question est simple : cette édition définitive représente-t-elle l’apogée de la série ou un simple relooking pour une formule éprouvée ? Après des dizaines d’heures passées dans les Netherworlds d’Hinomoto, on peut vous donner une réponse.
Disgaea 7 Complete est, comme ses prédécesseurs, l’œuvre de Nippon Ichi Software (NIS), un studio japonais qui a fait de la démesure stratégique et de l’humour absurde sa marque de fabrique. NIS a une tradition bien établie : chaque opus principal reçoit, quelque temps après sa sortie, une édition « Complete » ou « Deluxe » qui rassemble le jeu de base, tout son contenu téléchargeable et des ajouts substantiels. Disgaea 7 Complete s’inscrit parfaitement dans cette lignée, mais avec une particularité pour l’Occident : son portage est exclusif sur la Nintendo Switch 2.
Bushido, nouilles et démons
L’intrigue nous transporte dans Hinomoto, un ensemble de Netherworlds inspiré du Japon féodal, où le code d’honneur du bushido était autrefois vénéré. Cette époque est révolue. Le sinistre Démmodore Opener a corrompu les lieux, éradiquant l’honneur et, pire encore, remplaçant les précieuses nouilles locales par de simples pâtes !
C’est dans ce contexte que nos deux héros improbables se rencontrent. D’un côté, Fuji, un guerrier vagabond qui méprise le bushido et n’a d’yeux que pour l’argent. De l’autre, Pirilika, une démone richissime et otaku inconditionnelle de la culture traditionnelle d’Hinomoto. Contre mauvaise fortune bon cœur, Pirilika engage Fuji comme garde du corps. Leur quête ? Rassembler les Armes Fondatrices, restaurer le bushido, et surtout, sauver les nouilles légendaires. Le scénario, typique de la série, mélange avec brio moments épiques, humour décalé et personnages attachants dans leur excentricité. C’est un retour en forme après la déception narrative de Disgaea 6.
La démesure stratégique réinventée (et corrigée)
Disgaea 7 Complete est la quintessence du RPG tactique. Le cœur du jeu reste fidèle à la formule qui a fait son succès : des combats au tour par tour dans des arènes en 3D isométrique, où l’on déplace une escouade de personnages.
Les fondamentaux de Disgaea 7 Complete reposent sur des mécaniques bien connues des fans, mais enrichies de nouveautés qui renouvellent considérablement l’expérience. La plus marquante est sans conteste la Jumbification, une transformation spectaculaire qui permet à une unité, une fois sa jauge de Rage remplie, de devenir un véritable géant sur le champ de bataille. Les attaques normales se muent alors en frappes de zone dévastatrices, et il est même possible d’assister à des duels impressionnants entre unités jumbifiées. Ce système apporte une nouvelle dimension tactique et visuelle aux affrontements, à la fois spectaculaire et stratégique.
Le Hell Mode, quant à lui, s’inspire directement de la mécanique « Overload » introduite dans Disgaea 5. Il permet à certains personnages — principalement les protagonistes — d’entrer dans un état temporairement surpuissant, libérant des capacités ultimes dévastatrices. Dans Disgaea 7 Complete, une nouvelle loi adoptée à l’Assemblée Noire élargit cette possibilité à toutes les unités, à condition d’avoir terminé l’histoire principale, offrant ainsi une profondeur supplémentaire aux combats post-game.
Enfin, l’Intelligence Démoniaque (ou D.I.) fait son retour, mais dans une version plus équilibrée et réfléchie. Héritée de Disgaea 6, cette fonction d’automatisation des combats ne permet plus de progresser passivement dans le jeu. Elle est désormais limitée aux niveaux déjà complétés, interdite dans l’Item World, et nécessite une ressource spécifique — le Poltergas — qu’il faut gagner manuellement en combattant. Ce recentrage bienvenu redonne toute sa place à la stratégie et au contrôle du joueur.
NIS a écouté les critiques. Le système de classes, simplifié à l’excès dans Disgaea 6, fait peau neuve avec 27 classes humanoïdes (un record pour la série !), réintroduisant notamment les variantes genrées (Ranger/Archer, Bandit/Voleur). Côté monstres, bien qu’un peu moins fourni que dans Disgaea 5, le roster est solide avec 18 types, dont de nouveaux venus comme la Zombie Maiden. Les armes pour monstres et la capacité « Mon-Toss » (lancer ses alliés) font également leur retour.
Les graphismes et les performances sur Switch 2
La prise en main est intuitive pour les vétérans de la série. L’interface, bien que dense, est claire. Le seul bémol récurrent concerne la manipulation du curseur sur les cartes à multiples niveaux, qui peut s’avérer délicate. Malheureusement, la version Switch 2 ne profite pas des contrôles souris de la console pour pallier ce problème, une occasion manquée.
La bande-son est typique de Disgaea : des mélodies entraînantes, parfois épiques, qui collent parfaitement à l’ambiance féodale et déjantée d’Hinomoto. Les doublages japonais sont excellents et portent l’humour du script. On regrette simplement que les nouvelles séquences scénarisées du DLC « The Nethertime Support Force » ne soient pas doublées.
Les performances de cette version Switch 2 constituent un point essentiel. Après les résultats mitigés de Disgaea 6 et les limites techniques de Disgaea 7 sur la première Switch, cette mouture native marque une véritable montée en puissance. Deux modes sont proposés — Performance et Graphismes —, tous deux visant les 60 images par seconde, un objectif parfaitement atteint aussi bien en mode portable qu’en mode docké. La différence avec les versions précédentes est flagrante : la fluidité est exemplaire, les ralentissements ont disparu et le confort de jeu s’en trouve métamorphosé. En mode docké, l’expérience reste stable, bien que l’image ne bénéficie pas tout à fait de la netteté observée sur PS5. En revanche, le mode portable impressionne : les couleurs éclatent littéralement sur l’écran de la Switch 2, la fluidité est irréprochable et le rendu global surpasse toutes les versions précédentes. C’est sans conteste le meilleur moyen de découvrir le jeu, même si l’absence d’un mode 120 fps se fait légèrement sentir.
Les temps de chargement, quant à eux, sont excellents. Nos tests montrent que cette version native sur Switch 2 est particulièrement rapide. Étonnamment, le chargement d’une partie sauvegardée s’effectue toutefois légèrement plus vite lorsqu’on lance la version Switch 1 via la rétrocompatibilité, mais l’écart reste minime.
| Plateforme | Dashboard → Titre | Chargement Sauvegarde | Chargement Combat |
| Switch 2 (natif) | 19-20s | 4s | 2-3s |
| Switch 1 (rétrocompat.) | 20-22s | 3s | 3s |
| Switch OLED | 22s | 5-6s | 5s |
| PS5 | 17-18s | 2-2.5s | 3-3.5s |
La durée de vie affolante
Monstrueuse, c’est bien le mot. La campagne principale de Disgaea 7 Complete vous tiendra déjà en haleine une vingtaine d’heures, mais le véritable jeu commence une fois les crédits passés. Entre l’Item World aux étages infinis, le farm nécessaire pour atteindre le niveau 9999 et le contenu post-game d’une richesse rare, on parle ici de centaines d’heures de jeu. Et cette version « Complete » en remet une couche, multipliant les possibilités et les défis.
Tous les DLC de la saison précédente sont intégrés d’emblée, incluant sept histoires bonus, des ensembles de costumes et de nouvelles armes. Une nouvelle campagne post-game, intitulée The Nethertime Support Force, fait aussi son apparition. Elle met en scène des personnages emblématiques issus des anciens épisodes et permet de débloquer Asagi, figure culte de la série.
De nouvelles lois font leur entrée à l’Assemblée Noire, offrant la possibilité de supprimer les plafonds de statistiques des personnages ou encore de rendre le Hell Mode accessible à toutes les unités, une option qui bouleverse complètement la méta du endgame. Enfin, les plus téméraires pourront se mesurer à un nouveau super-boss, le redoutable Rakshasa Baal, un adversaire d’une difficulté extrême qui mettra à l’épreuve les meilleures stratégies et les équipes les plus optimisées.
Conclusion
Disgaea 7 Complete sur Nintendo Switch 2 est une épée à double tranchant. D'un côté, c'est indéniablement la version ultime d'un excellent jeu. C'est un retour triomphal après l'erreur de parcours qu'était Disgaea 6. Le gameplay est profond, riche et addictif, l'histoire est drôle et touchante, et la quantité de contenu est proprement astronomique. Sur Switch 2, l'expérience portable est quasiment parfaite. De l'autre, cette version est une pilule dure à avaler pour les possesseurs de la version originale. Aucune voie de mise à jour n'est proposée en Occident. Il faut racheter le jeu au prix fort, sans que les améliorations techniques (certes présentes) ne soient révolutionnaires en mode docké. Le nouveau contenu, bien que de qualité, reste très niché et orienté vers le post-game. Disgaea 7 Complete est donc une victoire mitigée : un chef-d'œuvre stratégique servi par un packaging technique et commercial qui, sur certains aspects, peine à honorer totalement le bushido de ses fans les plus loyaux.
LES PLUS
- Gameplay stratégique profond, riche et extrêmement addictif
- Retour en forme après la déception de Disgaea 6, correction des erreurs du précédent opus
- Histoire drôle, attachante et bien écrite, avec des personnages excentriques
- Durée de vie monstrueuse, plusieurs centaines d'heures de contenu
- Version "Complete" très complète : inclut le jeu de base, tous les DLC et de nouveaux contenus substantiels
- Exceptionnel sur Switch 2 : performances fluides et graphismes éclatants en mode portable
- Système de classes étoffé (27 classes humanoïdes), un record pour la série
- Nouvelles mécaniques (Jumbification) bien intégrées et amusantes
- L'Intelligence Démoniaque (D.I.) a été judicieusement recalibrée pour éviter le jeu automatique
- Entièrement en français
LES MOINS
- Aucune mise à jour pour les possesseurs de la version originale, obligation de racheter le jeu au prix fort
- Les principales nouveautés sont bloquées après la fin du jeu principal
- Expérience en mode docké inférieure à la version PS5
- Manipulation du curseur parfois délicate sur les cartes complexes
- Pas de doublage pour les nouvelles séquences scénarisées du DLC
- Le contenu additionnel, bien que de qualité, vise principalement les fans les plus acharnés
- Version physique en Game Key









