Mais non, vous ne rêvez pas ! Ça ressemble à un jeu des années 90, ça sent les années 90 et ça a l’humour des années 90 ! Lucy Dreaming s’inspire et est grandement influencé par les jeux d’aventure classiques point-and-click des années 90. Le studio Tall Story Games et son principal designer, Tom Hardwidge, qui ont orchestré ce projet, ne cachent pas leur amour pour les productions LucasArts de l’époque. Toutefois, avoir du style et balancer des punchlines est une chose, mais entraîner les joueurs dans une aventure en est une autre. Alors, est-ce que Lucy Dreaming saura vous faire rêver ?
Entre rêve et réalité
Lucy, l’héroïne éponyme de Lucy Dreaming, est une adolescente très intelligente et délicieusement sarcastique, dont les cauchemars à répétition l’entraînent dans une chute sans fin. Elle a beau essayer toutes les méthodes à base de lumières relaxantes ou de méditations, rien n’y fait. Elle décide donc d’arrêter de contourner ses rêves et de plonger littéralement dans son subconscient, durant son sommeil, pour résoudre ses problèmes.
Le jeu commence donc avec notre héroïne, bien décidée à se débarrasser de ses cauchemars, et avant de pouvoir le faire, elle doit trouver son journal intime et son mot de passe d’ordinateur pour accéder à ses mails. Le journal contient une liste de choses à faire et, accessoirement, constitue le tuto du jeu pour vous apprendre les différentes mécaniques. Le premier objectif est de créer une « boîte à rêves », un concept psychologique suggéré par son père. Les choses qu’elle y ajoute se manifestent dans ses rêves et l’aideront à affronter ses cauchemars.
Pour créer cela, Lucy se lance dans une folle exploration de sa maison et sa ville, et elle va pouvoir rencontrer une galerie de personnages pour le moins fantasque. Une fois sa première boîte à rêves créée, elle se couche pour voir si cela fonctionne. Elle entre dans un tout nouveau rêve où elle se retrouve sur les planches d’un comedy club, et doit faire des blagues pour impressionner un jury. Les blagues sont celles que vous trouvez dans le monde réel, et dont il faudra vous souvenir.
La poilade terminée et un score suffisant atteint auprès des juges, vous obtiendrez le mot de passe de l’ordinateur. Lucy quitte ce rêve et entre de nouveau dans la réalité, où elle entre son mot de passe et ouvre un e-mail pour y trouver un message pour le moins cryptique : un vieil article de journal sur le meurtre d’un habitant de la ville nommé Fergus Fig.
Et c’est à partir de cet instant que la véritable aventure commence. Lucy se lance alors dans une quête pour découvrir qui était le meurtrier et ce qui s’est passé. La famille Fig jouait un rôle important dans la ville, la mort de Fergus serait dûe à son frère, qui l’aurait tué à cause de différends sur des terres familiales. Lucy, cependant, pense qu’il y a un peu plus dans cette histoire et croit qu’elle est en lien avec ses cauchemars. Son aventure va consister à mener l’enquête, en alternant entre rêves et réalité.
Durant les quasi 10 heures qu’il aura fallu pour atteindre la fin du jeu, nous vous assurons que la narration du titre est complètement délirante ! Mais pour le meilleur, car l’intrigue se laisse aisément suivre, et surtout la galerie folle de personnages que vous allez rencontrer, des plus pittoresques aux plus cinglés, est absolument géniale. Aussi, Lucy à la fâcheuse tendance de s’adresser directement à vous, joueur, en brisant la fine paroi du quatrième mur. Pour notre plus grand plaisir, tant le ton décalé et sarcastique de notre jeunette est plaisant ! Cela rappelle la série Malcolm, et son personnage phare du même nom, avec ses commentaires et apartés dans le même ton.
Un petit bémol de courte durée cependant, au moment du test, le jeu était intégralement en anglais. Mais même si le jeu est sorti en 2023 sur Nintendo Switch, les développeurs de Tall Story Games nous font la surprise d’un patch ajoutant la langue française pour le 31 juillet 2025, gratuitement, via une simple mise à jour du jeu. En tout cas, dans la langue de Shakespeare, le titre est un régal, mais pas pour tous les publics puisque pour en profiter dans cette langue, un niveau plus que correct sera exigé pour comprendre l’ensemble des blagues et certaines tournures de phrases. En tout cas, pour nous autres français – parfois anglophobes – le problème n’est bientôt plus, merci Tall Story Games.
Click-and-Pix ça rime avec années 90
Comme indiqué dans l’introduction de ce test, Lucy Dreaming est un jeu d’aventure point-and-click à la troisième personne, très inspiré des meilleurs titres de LucasArts. Autant du point de vue de l’humour, très british emprunt aux Monty Python, qu’esthétiquement, le jeu nous rappelle fortement Day of the Tentacle ou encore Monkey Island 1 & 2, et il regorge d’hommages en tous genres à l’âge d’or du genre, cependant, ces hommages ne sont jamais excessifs.
Le titre est très facile à appréhender dans ses mécaniques de base. Pour déplacer l’héroïne, il suffit de cliquer là où vous voulez qu’elle marche, via le curseur à l’écran. Pour interagir avec des objets, il suffit également de cliquer dessus. En bas de l’écran, il y a un bouton « regarder », un « ramasser », un autre pour « parler à » et un dernier pour « utiliser ». Selon la façon dont vous voulez interagir avec quelque chose ou quelqu’un, il vous suffit de cliquer sur l’une de ces options avant l’interaction.
Comme dans tous les classiques du genre, vous pouvez ramasser des objets pour ensuite les combiner ou les utiliser avec d’autres objets, pour faire avancer l’intrigue. Les énigmes sont parfois capillotractées ! Entendez par-là qu’on doit parfois résoudre des puzzles ou énigmes de façon complètement inattendue, et que certains objets se combinent ou s’utilisent pour des résultats complètement loufoques. Il vous faudra aussi prêter attention aux dialogues pour ne louper aucun indice en chemin, et vous aider à avancer.
Il peut y avoir des passages où vous vous retrouvez complètement perdu, si vous ne faites pas attention. L’héroïne vous donne parfois des indices, mais certaines des choses que vous devrez faire sont parfois difficiles à comprendre ou peu instinctives, à moins de passer par toutes les possibilités : visiter chaque zone sur la carte, interagir avec tout ce que vous pouvez dans les décors, ou parler à toutes les personnes que vous trouvez sur votre chemin. D’autant plus que pendant certaines séquences de rêve, il y a des moments où vous devez changer des choses dans le monde réel, puis retourner dans le rêve pour voir ce qui a changé et avancer à partir de là. Cependant, le jeu reste amusant et ce même dans les moments les plus retors. Aussi, il est toujours amusant de constater qu’avec le nombre d’objets que vous collectez tout au long de l’aventure, les poches de la salopette de Lucy sont plus larges que la hotte du Père Noël !
Lucy Dreaming, c’est aussi une ambiance pixel 2D retro qui est très bien faite. Le titre ne sera pas une claque technique ou artistique, mais sa force est, encore une fois, de pouvoir vous replonger dans l’esprit d’un titre des années 90. Il y a beaucoup de détails, non seulement dans l’histoire, mais aussi dans les arrière-plans et les décors de chaque endroit où Lucy pose ses pieds. Il y a aussi beaucoup de références et easter eggs à différents films ou livres, ce qui est toujours appréciable dans n’importe quel jeu.
En puisque le rétro marche bien pour les graphismes, sachez qu’il en est de même pour la musique, qui mérite une mention spéciale. Dans un témoignage d’amour aux jeux PC des années 90, on reconnaîtra des sonorités qui font mouche et qui rappellent ce qui se faisait à l’époque. La bande-son est globalement agréable et ne vous sort jamais de l’intrigue, et petit plus, les personnages ont des voix plutôt bien rendues également.
Bon ben, c’est la pépite alors ?
Lucy Dreaming présente un mystère approfondi et bien construit. Avec de nombreux rebondissements, il est difficile de le lâcher. Bien que certaines parties puissent être délicates à franchir, le jeu reste extrêmement agréable. La durée de jeu est très raisonnable, et votre aventure est parsemée de choses passionnantes à découvrir dans un humour très bien réalisé. Toute cette dichotomie réel/rêve tisse une multitude de fils narratifs, que vous devrez tous revisiter afin de résoudre certaines des énigmes les plus difficiles du jeu. À mesure que le dénouement approche, ces fils sont habilement entrelacés pour aboutir à un ultime click, climax d’une conclusion extrêmement satisfaisante.
Malgré tout, Lucy Dreaming présente quelques défauts, l’humour est très typé british et pourrait ne pas convenir à tous, ou être trop absurde par moment. Quelques personnages sont aussi sous-utilisés. Le frère scientifique-fou de Lucy, par exemple, est le point central d’une énigme à un moment, puis est complètement délaissé, mis de côté, pour le reste du jeu. C’est dommage, car la plupart des habitants du monde de Lucy sont suffisamment divertissants pour qu’il soit agréable de passer un peu de temps avec eux.
Un autre problème mineur est que tous les choix pertinents pour les énigmes restent ouverts dans les menus de conversation après avoir été cliqués, mais à contrario, la plupart des dialogues liés à l’intrigue ne peuvent être consultés qu’une seule fois avant de disparaître totalement. D’un côté, cela facilite la résolution de certaines énigmes, mais d’un autre cela devient frustrant si vous voulez revisiter un certain point de l’intrigue pour vous rafraîchir la mémoire.
Rassurez-vous, ces petites critiques mises de côté, ce que Tom Hardwidge et Tall Story Games ont accompli avec leur premier essai est absolument génial. Au fil des années nous avons accumulé bon nombre de jeux d’aventure qui référencent, rappellent, imitent ou vénèrent les grandes œuvres de LucasArts pendant la période des années 1990. Certaines fois pour le meilleur, et certaines fois pour le pire, mais très peu ont été suffisamment bons pour se glisser au même niveau que leurs inspirations classiques. Lucy Dreaming fait partie de ces rares exceptions.
Lucy Dreaming est disponible depuis le 28 février 2023 sur l’eShop au prix de 15,99 euros, en anglais. Un patch avec la traduction française sera disponible via une mise à jour gratuite à partir du 31 juillet 2025.
Conclusion
Avec une intrigue captivante, son humour décalé à l’anglaise qui frappe toujours juste, son casting de personnages attachants et un niveau de difficulté équilibré, Lucy Dreaming est assurément une petite pépite indépendante par le studio Tall Story Games et pour les joueurs de jeux d'aventure point-and-click à l’ancienne. L’aventure se parcourt toujours avec plaisir, dans les moments les plus drôles comme les plus retors, et ce jusqu’au dénouement final. De la bande-son aux graphismes, tout ici est prétexte à passer un excellent moment en compagnie de Lucy, et revivre une aventure digne des productions LucasArts de la si belle et lointaine époque des années 90.
LES PLUS
- Lucy est très attachante
- Un casting de personnages hauts en couleur
- Une écriture à l’anglaise, drôle et décalée…
- Des énigmes stimulantes…
- Les mécaniques simples du point & click…
- Des interactions de partout…
- Une courbe de difficulté satisfaisante
- Style artistique pixel art 90’
- Un doublage et une bande-son de qualité
- Un mystère et une fin très satisfaisants
- Les références / easter eggs
- Une lettre d’amour aux productions LucasArts
- Un patch en juillet 2025 qui apporte une traduction française (gratuitement)
LES MOINS
- … Mais cet humour ne correspondra pas à tout le monde
- … Mais avec des logiques parfois tordues
- … Mais qui peuvent paraître vieillissantes pour certains joueurs
- … Mais cela multiplie les possibilités pour les objets
- Quelques solutions d'énigmes sont un peu trop évidentes
- On ne peut pas revoir certains dialogues liés à l’intrigue
- Quelques personnages sous-utilisés








