Dans un paysage vidéoludique saturé de titres complexes, Mouse & Crane se démarque en ciblant un public rare : les tout-petits (4-7 ans). Développé par une petite équipe européenne, ce jeu coopératif promet une aventure douce mêlant puzzles simplifiés, message écologique et complicité parent-enfant. Après plusieurs séances de jeu avec de jeunes testeurs, le bilan est nuancé : un concept attachant, mais des lacunes techniques qui gâchent l’expérience.
L’équipe européenne derrière Mouse & Crane (dont le nom n’est pas précisé) vise clairement à créer une première expérience gaming positive pour les enfants. Leur approche : privilégier la coopération intergénérationnelle et l’apprentissage par le jeu, avec un accent sur le recyclage et la créativité. Une intention noble, mais malheureusement minée par une exécution technique perfectible.
Une amitié touchante
Dans ce conte interactif à destination des plus jeunes, tout commence avec Crane, une grue portuaire solitaire, qui voit sa routine bouleversée par la chute du ciel de Mouse, une petite souris venue de l’espace. Leur objectif est aussi simple que poétique : construire une fusée pour permettre à Mouse de retourner chez elle. À leurs côtés, deux autres personnages hauts en couleur les accompagnent dans cette aventure : Electryna, une mécanicienne mi-cochon mi-robot au grand cœur, et Scrapman, une vieille machine grincheuse mais au fond attachante. L’histoire, entièrement doublée en anglais avec des voix chaleureuses et expressives, évoque l’univers d’une série jeunesse. La complicité entre les personnages renforce le charme de cette aventure pensée pour captiver les enfants.
Le jeu propose deux types d’expérience. En solo, le joueur contrôle Crane dans des niveaux à défilement fixe en 2D, où il doit résoudre de petits puzzles environnementaux. Il s’agit principalement de déplacer des caisses, faire balancer un boulet de démolition ou créer des chemins pour faire progresser Mouse vers la sortie. En coopération locale, deux joueurs peuvent se répartir les tâches. Le premier manipule Crane avec le stick analogique ou en mode tactile (option qui se révèle idéale pour les plus jeunes), tandis que le second incarne Electryna, qu’il déplace latéralement en inclinant son Joy-Con grâce au gyroscope. Ensemble, ils doivent guider Mouse à travers le niveau en ramassant divers outils comme des clés ou tournevis.
Les actions à réaliser sont assez simples : combler un trou avec une caisse, détruire un mur avec un boulet, ou encore écraser des crabes mécaniques à l’aide d’un petit canon. En fin de niveau, le joueur assemble les outils collectés pour fabriquer un objet utile, souvent lié au scénario (réparer un circuit, construire un robot-ami pour Scrapman), dans un effort pédagogique évoquant le recyclage.
Mais cette coopération a ses limites. Certains puzzles sont étonnamment exigeants pour la cible 4-7 ans, comme viser précisément les crabes avec le canon. Des testeurs enfants rapportent des épisodes de frustration, voire d’abandon pur et simple face à ces difficultés. Le manque total d’indices ou d’aides visuelles durant les énigmes n’arrange rien : sans encadrement adulte, les plus jeunes peinent à progresser. Quant au message autour du recyclage, il reste superficiel, sans véritables mini-jeux éducatifs pour l’approfondir.
La principale ombre au tableau reste la maniabilité. Les mouvements de la grue manquent de précision, avec une sensation de flottement qui complique les actions de base. Le gyroscope utilisé pour contrôler Electryna est quant à lui trop instable, rendant son utilisation frustrante pour un enfant. Seule l’option tactile offre une alternative plus accessible, mais elle est limitée au mode portable, restreignant les possibilités de jeu à deux. Résultat : de nombreuses sessions de jeu se soldent par des arrêts précoces, comme en témoignent plusieurs familles ayant participé aux tests.
Une direction artistique façon bricolage enfantin
Visuellement, le jeu adopte une direction artistique aussi audacieuse qu’atypique. Les personnages semblent découpés dans du papier cartonné, avec des yeux goggly animés qui leur confèrent une forte expressivité. Les environnements, quant à eux, évoquent un collage de carnet de dessin : un port minimaliste et coloré, réalisé dans un style qui fait penser à des créations d’atelier scolaire. Le résultat est original, doux pour les yeux et clairement pensé pour ne pas agresser le jeune public. Les animations – notamment celles des yeux – donnent vie aux protagonistes avec une vraie tendresse.
Toutefois, ce choix esthétique ne fera pas l’unanimité. Certains pourraient trouver le style trop abstrait ou trop marqué par une sensibilité « européenne » de l’illustration jeunesse, moins immédiate et attractive pour les enfants habitués aux univers visuellement riches et codifiés de séries comme Paw Patrol ou Peppa Pig. Les arrières-plans manquent de détails et de couleurs vives, ce qui risque de réduire leur pouvoir d’attraction pour les plus jeunes.
Côté son, le jeu fait preuve d’une grande justesse. Le doublage en anglais des personnages s’avère particulièrement convaincant, avec des performances vocales pleines de vie, d’émotion et d’enthousiasme. Ces voix chaleureuses participent pleinement à la narration et à l’attachement que les enfants peuvent ressentir envers les personnages. Les musiques, quant à elles, installent une ambiance douce et enjouée, discrète mais agréable. Les bruitages sont simples – cliquetis, bourdonnements mécaniques, petits sons cartoon – mais parfaitement adaptés à l’univers et à son public.
Le contenu proposé reste limité. L’aventure se compose de quatre niveaux jouables en solo et trois en coopération locale, ce qui représente environ deux heures de jeu. Il n’existe aucun mode bonus, ni collectibles à dénicher, et aucun élément incitant à rejouer une fois l’histoire terminée. Le jeu semble conçu avant tout pour vivre une expérience partagée parent-enfant, plutôt que pour offrir un long voyage vidéoludique à compléter.
Mouse & Crane est disponible sur l’eShop au prix de quinze euros.
Conclusion
Mouse & Crane repose sur une intention louable : offrir aux enfants de 4 à 7 ans une expérience de jeu coopérative douce, inclusive et teintée d’un message écologique. Le concept de coopération asymétrique, le doublage chaleureux et les valeurs de recyclage portées par le scénario sont autant d’atouts qui laissent entrevoir un joli potentiel. Mais dans les faits, l’exécution laisse à désirer. Les contrôles manquent de précision, en particulier pour les plus jeunes, et le niveau de difficulté de certains puzzles (notamment ceux qui demandent de la visée ou du timing) s’avère mal adapté à leur motricité. Le style visuel original mais austère risque de rebuter ceux habitués à des univers plus chatoyants et balisés. Enfin, la durée de vie très courte, couplée à une absence totale de rejouabilité, limite drastiquement l’intérêt sur le long terme. Ce n’est donc pas un jeu à recommander à un enfant seul. En revanche, dans le cadre d’une expérience parent-enfant, il peut jouer le rôle d’un outil d’initiation au jeu vidéo, à condition que l’adulte soit prêt à intervenir régulièrement pour compenser les lacunes du gameplay. Un titre sincère et attendrissant, mais qui manque de finition pour pleinement remplir sa mission.
LES PLUS
- Conçu spécifiquement pour les 4-7 ans, initiation douce au jeu vidéo
- Coopération parent-enfant : Mode local à 2 joueurs
- Doublage expressif
- Message éducatif
- Design adapté
- Sans échec punitif
- Option tactile en mode portable pour les jeunes joueurs
LES MOINS
- Maniabilité défaillante
- Difficulté incohérente
- Apprentissage limité
- Style visuel austère, peu attractif
- 2h max pour terminer le jeu (4 stages solo + 3 coop)
- Aucun objectif post-campagne ou contenu bonus
- Bugs techniques








