Il y a des jeux qui marquent leur époque, et d’autres qui traversent les générations. Final Fantasy Tactics parvient l’exploit d’être dans les deux catégories. Sorti en 1997 sur PlayStation, ce jeu a contribué aux bases du tactical RPG moderne avec son système de classes, ses combats sur grille isométrique et son scénario dense mêlant guerre, trahisons et luttes sociales. Avec ce remaster The Ivalice Chronicle, Square Enix propose une version enrichie et modernisée, intégrant de belles nouveautés. Mais derrière ses batailles stratégiques et son univers médiéval complexe, le jeu a-t-il encore des choses à dire aujourd’hui ? C’est ce que nous allons découvrir.
Disclaimer :
Ce test a été réalisé sur une version PS5. Toutefois, l’expérience est exactement la même que sur une version Switch ou Switch 2 vis-à-vis du gameplay, des graphismes ou des temps de chargement. De plus, dans le cadre de ce test, nous n’avons testé que la version remaster et optimisée du jeu et non l’originale de 1997, le titre permettant de choisir l’une ou l’autre.
Un brin d’histoire
À l’origine dirigé par Yasumi Matsuno, déjà connu pour Tactics Ogre (1995), Final Fantasy Tactics s’est distingué par sa profondeur stratégique et narrative, au point de devenir une référence du genre. Le monde d’Ivalice, introduit ici pour la première fois, deviendra par la suite un pilier de l’univers Final Fantasy, notamment dans Final Fantasy XII et Vagrant Story.
Comme l’indique son titre, l’histoire de Final Fantasy Tactics – The Ivale Chronicles se déroule dans le royaume médiéval d’Ivalice, secoué par une guerre de succession entre deux puissants ducs, Goltanna et Larg, surnommés respectivement le Lion Noir et le Lion Blanc. Au cœur de ce conflit se trouvent deux jeunes hommes : Ramza Beoulve, issu d’une noble lignée militaire, et Delita Heiral, son ami d’enfance d’origine modeste. Tandis que les intrigues politiques s’intensifient et que les alliances se font et se défont, Ramza et Delita se retrouvent entraînés dans une quête où loyauté, vérité et pouvoir s’entrelacent. Le jeu explore les thèmes de la trahison, de l’honneur et des luttes sociales, tout en laissant planer suffisamment le mystère sur les véritables motivations de chacun.
Depuis Octopath Traveler, Triangle Strategy et Live A Live, Square Enix nous a montré toute l’étendue de sa capacité à user habilement de la HD-2D. Ici encore, le charme fait effet et nous permet de découvrir Final Fantasy Tactics de manière sublimée. La version optimisée apporte également de nombreuses nouveautés, que ce soit au niveau du gameplay ou encore du doublage intégral du jeu avec un casting exceptionnel, Square Enix a mis les petits plats dans les grands. La narration a été revue pour mieux s’adapter à du doublage et permettre ainsi une meilleure immersion. Les saynètes sont nombreuses et nous font prendre part aux différents points de vue des personnages de l’histoire, qu’il s’agisse du héros, des méchants ou bien encore des compagnons ou des figurants. Les dialogues se poursuivent parfois jusque dans les combats, que ce soit au début de la bataille ou pendant les joutes. Le rythme est efficace et nous nous retrouvons rarement avec de longues minutes de dialogues interminables, ce qui contribue à la réussite de l’immersion.
Quelle classe !
Un des aspects les plus importants d’un tactical RPG est la gestion des unités, et vous n’allez pas chômer. Avec Ramza aux commandes, vous serez en capacité de gérer jusqu’à 50 unités dans votre armée, avec la possibilité d’en renvoyer pour affiner vos rangs. Chaque unité dispose d’un niveau global influant ses points de vie et de mana ainsi que d’un équipement à gérer pour améliorer ses caractéristiques. Elles commencent également avec une classe de base, en tant qu’Écuyer ou Apothicaire. En gagnant des niveaux, chaque unité pourra accéder à de nouvelles classes pour accroître les options stratégiques de vos combats à venir. Néanmoins, la progression ne se fera pas en remportant simplement des combats. Ici, chaque personnage doit réussir ses actions pour gagner en expérience. Exit l’expérience en fin de combat ou ces histoires de multi-exp. Un archer qui ne fait pas mouche, un ennemi qui pare votre attaque au bouclier ou un sort qui échoue et vous n’obtiendrez pas d’expérience pour cette action. Ça se joue à l’ancienne et ce n’est pas pour déplaire. En complément de l’expérience, les unités gagnent également des Points de Compétence (PC) qui servent à apprendre de nouvelles options. Il y a quatre types de compétences : Action, Réaction, Soutien et Mobilité. Ces compétences débloquées prennent effet immédiatement pour la classe actuelle mais peuvent être transférées lorsqu’une unité change de classe. Par exemple, un Apothicaire qui devient Mage Noir pourra conserver ses compétences d’utilisation d’objets en équipant sa compétence d’action “Objet” et disposera alors de sa nouvelle compétence d’action “Magie Noire” en complément de l’ancienne. Toutefois, seule une compétence de chaque catégorie peut être attribuée. Cela permet néanmoins d’obtenir un large choix de configuration, en fonction du style de jeu qui nous plaît.
À côté de vos unités, vous serez également en mesure de recruter des créatures ou des monstres. Les plus communs et naturels seront les chocobos, ces fidèles destriers iconiques de toute la saga. Leur utilisation est assez particulière car vous ne pourrez ni les équiper, ni modifier leurs compétences. Ces dernières seront fortement liées à la couleur du chocobo. De plus, les chocobos comptent comme une unité et occupent une place à part entière sur le champ de bataille. Une unité qui termine son déplacement sur un chocobo l’utilise en tant que monture, mais cette créature ne gagne alors plus d’expérience. Ils doivent absolument attaquer eux-mêmes pour gagner en expérience, chose qui n’est plus possible dès qu’ils sont montés. En revanche, l’unité qui monte sur le chocobo bénéficie des attributs de déplacement de la monture, ce qui en fait souvent un choix très impactant sur le champ de bataille, pour parcourir de plus grandes distances ou atteindre des lieux accessibles que par le vol.
Chargez !
Avant chaque combat, vous serez amenés à choisir parmi votre armée quelles unités vont prendre part au combat. En fonction du scénario, vous serez généralement amenés à devoir sélectionner entre quatre à cinq unités. Les champs de bataille sont découpés en cases et vous devrez positionner vos unités sur celles disponibles. Une fois le placement effectué, les actions se déroulent en tour par tour. L’ordre du tour est affiché via une liste de priorité à gauche et est déterminé par la vitesse de chaque unité, allié comme ennemi. Il est consultable en détail à tout moment afin de visualiser les actions en cours ou à venir de toutes les unités. Chaque unité peut se déplacer d’un certain nombre de cases et chaque action a une limite de portée. Après chaque action, vous devez choisir dans quelle direction regardera votre unité afin de potentiellement éviter de montrer votre dos à l’adversaire. Le placement a donc toute son importance dans la réussite de votre stratégie. Après quelques échanges de coups et de sorts, les unités perdent des points de vie et les réduire à 0 les rendent inconscients. Une unité qui reste inconsciente plus de trois tours disparaîtra du champ de bataille à tout jamais. S’il s’agit d’une unité alliée, il faudra absolument remporter le combat avant ce délai ou utiliser des objets ou sorts de résurrection. S’il s’agit d’un ennemi, il laissera derrière lui un coffre ou un cristal qu’il faudra récupérer si vous souhaitez obtenir des bonus. Ces derniers ne sont pas récupérés automatiquement à la fin du combat, vous devez vous rendre sur les cases concernées. Les créatures et monstres laisseront systématiquement un cristal derrière eux, ce qui permet de récupérer un grand montant de points de vie et de mana. Les unités humaines laissent souvent un coffre mais peuvent laisser un cristal. Dans ce second cas, l’unité alliée qui récupérera ce cristal aura la possibilité d’apprendre les compétences de l’unité vaincue au lieu de régénérer ses PV / PM et ainsi accroître son panel de stratégies.
Certaines classes utilisent les dénivelés à leur avantage, comme les archers, ou d’autres ignorent complètement le terrain grâce à leur talent de lévitation, comme le Chronomancien ou les chocobos noirs. Les attaques élémentaires seront également de la partie et permettront d’infliger des dégâts plus efficacement aux unités en armure lourde qu’avec les attaques physiques. Certains ennemis comme les bombos absorbent le feu, ce qui demandera d’utiliser les sorts de zones avec parcimonie ou précision. De plus, les sorts et attaques chargées peuvent être ciblées sur une unité ou sur une case. Il faut donc faire attention à l’ordre de priorité pour ne pas lancer votre sort de zone sur un ennemi qui va se déplacer au corps-à-corps de vos unités et réaliser un magnifique strike. Cependant, malgré ses prouesses, le titre souffre encore de quelques lacunes techniques notamment au niveau de la caméra lors des tours adverses. Les batailles ayant lieu quelques fois dans des forts ou des rues, l’angle de la caméra imposé par l’IA ne permet pas d’observer au mieux les actions qui se déroulent, ce qui gêne un peu la bonne compréhension des dégâts subis ou encore l’emplacement des sorts préparés envers les unités alliées. De plus, il est impossible de mettre le jeu en pause pendant les tours adverses, ce qui n’est pas handicapant mais plutôt frustrant dans certaines situations, surtout lorsque toutes les unités adverses jouent les unes après les autres.
Le tour du monde en quelques jours
Entre chaque combat ou après les saynètes, vous vous retrouvez sur la carte du monde. Celle-ci permet de se rendre dans les divers lieux rendus accessibles par l’histoire. Une fois qu’un lieu est débloqué, vous pouvez y retourner quand vous le souhaitez, tant que l’histoire le permet. Les grandes villes sont l’objet de saynètes ou de combats et servent par la suite de points de repère pour y faire des emplettes et découvrir de nouvelles choses. Entre chaque ville se trouve généralement des jalons qui feront souvent office de combats, qui peuvent être aléatoires ou volontairement déclenchés. Ceux-ci ne sont en aucun cas obligatoires mais ils serviront à faire monter en niveau vos unités, améliorer leurs classes et les rendre plus efficaces.
La carte vous permet d’accéder à votre menu de gestion des unités, au menu de sauvegarde et à divers éléments du lore répertoriés dans une rubrique nommée Chronique. Celle-ci se veut complète et détaillée, venant s’enrichir au fur et à mesure de votre progression dans l’histoire. Que ce soit les personnages ou l’univers, tout y est consigné et est même mis à jour “en temps réel” dès qu’une nouveauté apparaît ou est mentionnée. De plus, le sous-menu Chronographie reprend les éléments clés du scénario avec la temporalité de chaque action majeure dans l’histoire, ce qui est parfait pour reprendre une session qui aurait été mise en pause depuis quelque temps. Nous avons là une belle encyclopédie.
La carte permet également de retourner dans les grandes villes découvertes et d’y faire quelques affaires. Le jeu reste simple et la visite des villes ne se fait qu’à travers un menu mais vous y aurez accès à une taverne, une échoppe, une guilde ainsi qu’un service de mégisserie. Chaque ville a sa particularité et ne propose pas les mêmes articles ou les mêmes options. Un sous-menu permet d’identifier quelles villes vend quel type d’arme, ce qui vous économise du temps de recherche. Les tavernes accentuent le lore en mettant en avant les rumeurs qui courent sur le territoire mais proposent également des missions, des sortes de quêtes annexes. Ces missions requièrent simplement d’envoyer trois unités humaines de votre armée en vadrouille, peu importe leur niveau ou leur classe, pour une durée déterminée. Un jour dans le jeu correspond à un déplacement sur la carte ou un combat. Le côté frustrant des missions est que vous devez absolument retourner à la ville à l’origine de celle-ci pour obtenir votre récompense, alors que chaque taverne est en capacité d’afficher les missions en cours. Cela demande donc de faire quelques allers retours dont nous aurions préféré nous passer dans la partie des améliorations apportées au titre d’origine. Etant donné que la majorité du jeu se passe via les combats et que vous êtes limités à déployer cinq unités, les missions seront l’occasion d’envoyer les autres membres de votre armée se dégourdir les jambes. Les missions se déroulent toujours avec succès et les unités envoyées rapportent de l’argent, gagnent des PC mais pas d’expérience.
Certaines villes disposent d’une guilde des combattants qui vous permet de recruter de nouvelles unités. Celles-ci sont toutes au niveau 1 avec l’une des deux classes de base. Si vous êtes précautionneux et que vous avez une équipe de choc, l’acquisition de ces recrues ne servira bien souvent qu’à effectuer les missions. Mais dans un monde d’optimisation, de theorycrafting et de science avancée, chaque unité dispose de son signe du zodiaque, ce qui influence la compatibilité, les interactions, la réussite et la puissance des sorts. Vous voulez donc éviter d’avoir dans vos rangs des signes du zodiaque qui s’opposent pour ne pas voir votre sort “Vie”, lancé par un Poissons, montrer un taux de réussite de 25% sur votre unité la plus importante, qui est Sagittaire. Pour finir, les villes peuvent proposer des services de Mégisserie un peu plus loin dans l’aventure. Via la classe Voleur, vous pouvez débloquer une compétence permettant de récupérer les carcasses des créatures. En présentant ces carcasses en ville, vous pouvez obtenir des objets à prix réduits par rapport aux échoppes ou même des objets rares qui ne se vendent pas. Tout comme les signes du zodiaque, cet aspect du jeu n’est pas obligatoire mais permet de se faciliter la tâche et de découvrir d’autres facettes du jeu si vous décidez d’y accorder du temps.
Final Fantasy Tactics – The Ivalice Chronicles est clairement ce type de jeu “facile à prendre en main, difficile à maîtriser”. Il est tout à fait possible d’avancer dans l’histoire et de terminer l’aventure en survolant totalement les mécaniques avancées qui font le sel et toute la profondeur du titre. Mais pour ceux qui souhaitent s’y plonger pleinement, le jeu regorge de subtilités stratégiques et de systèmes imbriqués. Pour ne pas vous gâcher la découverte, nous avons volontairement laissé de côté certains aspects comme la Bravoure et la Foi, qui influent sur le moral et la fidélité de vos unités, ou encore les nombreuses ramifications du lore, d’une richesse impressionnante. Comptez un peu plus d’une trentaine d’heures pour voir le bout de l’histoire en difficulté standard, sans chercher l’optimisation. Enfin, la bande-son, fidèle à l’héritage de la série, accompagne chaque moment avec justesse, renforçant l’émotion des scènes et l’intensité des combats.
Conclusion
Avec Final Fantasy Tactics - The Ivalice Chronicle, Square Enix réussit le pari de moderniser un classique sans trahir son essence. Grâce à une direction artistique soignée, un doublage immersif et une richesse tactique toujours aussi redoutable, le jeu s’impose toujours comme une référence du genre, aussi bien pour les vétérans que pour les néophytes. Malgré quelques maigres limites techniques au niveau de la caméra, l’expérience est profondément engageante. Accessible sans être simpliste, dense sans être indigeste, ce remaster confirme que certaines légendes du jeu vidéo n’ont rien perdu de leur éclat.
LES PLUS
- Remaster HD-2D toujours aussi beau
- Doublage intégral et narration retravaillée
- Système de classes riche et flexible
- Profondeur tactique
- Lore dense et bien intégré
- Accessibilité et durée de vie solide
LES MOINS
- Caméra parfois gênante
- Interface un tantinet rigide (pas de pause pendant les tours ennemis)
- Missions annexes peu ergonomiques
- Recrutement des unités peu impactant









