Plonger dans Mado Monogatari: Fia and the Wondrous Academy, c’est comme ouvrir un grimoire ancien aux pages colorées. Ce nouvel opus de la série culte Mado Monogatari (ou Sorcery Saga), une longue saga de dungeon crawlers à la mignonnerie légendaire, débarque enfin en Occident sous sa bannière originelle. Surtout connue pour avoir donné naissance à la franchise Puyo Puyo, la série mère tente ici son grand retour. Mais cette incursion dans une académie de magie est-elle une réussite ou un sort raté ? Après plusieurs dizaines d’heures en compagnie de Fia, voici notre verdict.
Un sortilège trop léger pour l’Académie ?
Mado Monogatari: Fia and the Wondrous Academy est développé par Compile Heart, un studio réputé pour ses JRPG anime et souvent niché sous l’aile d’Idea Factory. Il s’agit du dernier-né d’une série qui a débuté en 1990 sur MSX, une véritable institution au Japon. Pour la plupart des joueurs occidentaux, ce sera une première rencontre, les précédents opus étant restés confidentiels en dehors du pays du soleil levant. La connexion avec Puyo Puyo n’est pas anecdotique : on y retrouve des personnages emblématiques comme Carbuncle et une iconographie familière. Rassurez-vous, aucune connaissance de l’univers n’est requise pour appréhender ce jeu entièrement autonome.
On incarne Fia, une jeune fille aussi enthousiaste qu’étourdie, qui rêve de suivre les traces de sa grand-mère à l’académie de magie ancienne. Son admission tient du coup de chance : arrivée en retard aux examens, elle est acceptée sur un malentendu, le directeur estimant que son simple voyage jusqu’à l’école constituait une épreuve suffisante. Le ton est donné : léger, humoristique, et souvent absurde.
L’histoire principale est plutôt discrète, reléguée à l’arrière-plan pendant une grande partie du jeu. L’accent est mis sur la vie quotidienne à l’académie, rythmée par des examens pour gravir les échelons magiques. Fia forme un groupe avec des camarades hauts en couleur : Will, le héros en herbe ; Leena, la magicienne surdouée et asociale ; Eska, la dragonoise flirteuse aux instincts carnassiers ; et Totto, le mercenaire espiègle. Malheureusement, malgré quelques moments amusants, ces personnages peinent à sortir de leurs archétypes respectifs. L’académie elle-même souffre d’un manque criant de vie : l’établissement est minuscule, avec seulement une poignée de salles à explorer et très peu d’étudiants croisés. L’immersion dans la vie scolaire est quasi inexistante, ce qui rend l’expérience globalement fade et répétitive.
Entre donjons et devoirs
Le cœur du jeu alterne entre la vie à l’académie et l’exploration de donjons.
- La boucle académique : À l’académie, on gère son Grimoire, un livre de sorts qui sert d’arbre de compétences. On y dépense des points d’apprentissage, obtenus en cours, pour débloquer de nouveaux sorts, compétences de pêche, de cuisine ou d’agriculture. La progression du scénario est conditionnée par la réussite d’examens, eux-mêmes liés à l’accomplissement de quêtes inscrites dans le grimoire.
- L’exploration des donjons : C’est un « mystery dungeon » classique. Les donjons sont procéduralement générés, et l’objectif est d’atteindre la sortie de chaque étage. Le système est malheureusement très répétitif. La variété des salles et des pièges est limitée, et la progression est artificiellement rallongée : chaque donjon requiert plusieurs visites, de plus en plus longues, pour une seule quête principale. La difficulté est quasi nulle : le jeu sauvegarde automatiquement à chaque étage, permet de poser des points de contrôle et il est même possible de « tricher » en utilisant un objet pour voir la carte puis en rechargeant sa sauvegarde. Le sentiment de tension et d’exploration est anéanti.
- Le système de combat : C’est un hybride en temps réel et au tour-par-tour. On ne contrôle directement que Fia ; les alliés sont gérés par l’IA. Un timeline en haut de l’écran indique l’ordre des actions. Le positionnement est important, et lancer des sorts d’éléments génère des orbes permettant d’activer des « grands sorts » (great magic), de véritables déluges magiques. Si l’idée de base est intéressante, l’exécution est décevante. Le combat devient vite chaotique et maladroit, partagé entre les déplacements et la navigation dans les menus. On se limite à peu de sorts par combat, ce qui rend les affrontements, surtout contre les boss, très répétitifs. La stratégie se résume souvent à un test de statistiques : soigner et attaquer jusqu’à ce que l’ennemi tombe. L’absence de punition réelle en donjon et l’IA parfois peu fiable des coéquipiers n’arrangent rien.
C’est l’un des points noirs du jeu. Tenter de se déplacer tout en utilisant le menu des compétences en temps réel est un exercice laborieux. L’écran est surchargé d’informations (positions, timeline, santé, MP, orbes), ce qui empêche de suivre clairement l’action. Le manque de fluidité et la sensation de « mollesse » des commandes nuisent considérablement au plaisir de jeu.
On est bien sur Switch 1…
Le titre a des allures de jeu PlayStation Vita. Les modèles 3D chibis sont mignons mais manquent cruellement de vie et d’expressions, surtout lors des cinématiques où les animations sont très rudimentaires. Les illustrations 2D des personnages sont en revanche charmantes, même si l’utilisation de différents artistes guest est parfois visible. Certains donjons ont une esthétique sympa, mais le fait de toujours voir les mêmes décors à l’académie et la répétition des assets finissent par lasser.
La bande-son est globalement correcte, conservant le ton jovial des Puyo Puyo. Les thèmes des donjons et des combats sont entraînants, mais la mélodie répétitive à la harpe de l’académie devient vite agaçante. Les doublages sont exclusivement en japonais, de bonne facture et correspondent parfaitement aux personnages, bien que quelques répliques soient parfois inégalement mixées (certaines sont plus faibles que d’autres).
Prévoyez environ 25 heures pour venir à bout de l’histoire principale. Malheureusement, cette durée est largement alourdie par un grinding obligatoire et une répétition excessive. Revisiter les mêmes donjons trois ou quatre fois pour compléter des quêtes devient rapidement une corvée. Les activités annexes (pêche, cuisine, jardinage) sont présentes mais manquent de profondeur et paraissent superflues.
Conclusion
Mado Monogatari: Fia and the Wondrous Academy est un jeu qui fonctionne, mais qui peine à captiver. Son univers mignon, son humour potache et son système de grands sorts apportent quelques étincelles de plaisir. Cependant, elles sont vite étouffées par une répétitivité assommante, un gameplay de donjons sans tension, un combat maladroit et un monde vide de vie. C'est un titre qui s'adresse avant tout aux fans inconditionnels de Compile Heart en quête d'un JRPG mignon et sans prise de tête, ou à ceux qui cherchent un puissant somnifère interactif. Pour les autres, il est vivement conseillé d'attendre une forte baisse de prix avant d'envisager de s'inscrire dans cette académie.
LES PLUS
- Univers coloré et mignon
- Personnages attachants, notamment Carbuncle et Eska
- Quelques moments d'humour réussis
- Activités annexes variées (pêche, cuisine, jardinage)
- Durée de vie correcte (environ 25 heures)
- Doublage japonais de qualité
LES MOINS
- Structure de jeu extrêmement répétitive
- Donjons procéduraux manquant cruellement de variété et de tension
- Système de combat maladroit et chaotique
- Maniabilité peu fluide, ergonomie surchargée
- Monde (l'académie) vide, sans vie et immuable
- Histoire très légère et manquant d'enjeux
- Rallonge artificielle par un grinding obligatoire
- Manque de difficulté et de profondeur stratégique
- Animation des modèles 3D très basique









