Souvenez-vous des années 90 : flocos de neige sur les écrans cathodiques, jeans délavés, et la révolution Internet qui pointait son nez. Si cette époque vous échappe, pas de panique : Gex, le gecko le plus branché du jeu vidéo, est de retour pour vous en remettre plein les oreilles avec ses répliques pop-culturelles survitaminées. À l’occasion de ses 30 ans, la Gex Trilogy débarque sur Nintendo Switch grâce à Limited Run Games, rassemblant les trois opus cultes : Gex (1995), Gex: Enter The Gecko (1998) et Gex 3: Deep Cover Gecko (1999). Un voyage nostalgique au cœur d’une époque où les mascottes rivalisaient d’attitude.
Derrière ce gecko sarcastique se cache Crystal Dynamics, studio légendaire (créateur de Tomb Raider et Legacy of Kain) qui fit de Gex son emblème durant cinq ans. Conçu à l’origine pour le 3DO (console à la sortie plus que confidentielle), le premier opus fut rapidement porté sur PlayStation et Saturn (uniquement aux Etats-Unis). Malgré la concurrence écrasante de Mario ou Sonic, Gex s’imposa dans une petite communauté de fans par son humour décalé et sa créativité visuelle, devenant une des curiosités cultes de l’ère 32 bits.
Sauver le monde écran par écran
L’intrigue, volontairement minimaliste, sert de prétexte à un délire audiovisuel : Rez, un despote cybernétique, aspire Gex dans la Dimension Média, un univers peuplé de chaînes TV thématiques (films d’horreur, kung-fu, dessins animés…). Votre mission ? Collecter des télécommandes pour débloquer des niveaux, affronter des boss loufoques (comme « The Flatulator », un super-héros obèse) et libérer cette dimension parasite. Dans Gex 3, un nouvel enjeu s’ajoute : sauver l’agent Xtra (incarnée en FMV par Marliece Andrada, star de Alerte à Malibu), captive de Rez.
Sorti en 1995, Gex est un jeu de plateforme 2D particulièrement exigeant, où le célèbre gecko exploite ses aptitudes reptiliennes pour progresser. Il utilise sa langue pour avaler divers power-ups (vie supplémentaire, invincibilité, souffle de feu), sa queue pour frapper les ennemis et casser les objets, et ses ventouses pour escalader les murs et plafonds. Chaque niveau dissimule une télécommande principale et renferme des passages secrets menant à des zones bonus. La difficulté est redoutable, avec des placements d’ennemis impitoyables et une visibilité souvent réduite qui exigent une précision extrême.
Avec Gex: Enter the Gecko et Gex 3, la série passe à la 3D dans un style proche de Super Mario 64. Chaque niveau contient trois télécommandes rouges correspondant aux objectifs principaux, une télécommande argentée cachée liée à la collecte d’objets, ainsi que cent Bugcoins dans Gex 3. Les univers deviennent plus vastes et variés, introduisant des séquences de karting, de planche à neige ou encore des montures comme un kangourou. Malgré cette diversité, le gameplay reste fidèle à ses fondations : coups de queue, rebonds muraux et escalade sur surfaces spécifiques. La progression impose de revisiter les niveaux à plusieurs reprises pour obtenir toutes les télécommandes, dans un esprit de complétion typique des années 1990.
La dure loi du temps qui passe
La version Nintendo Switch améliore sensiblement l’expérience de jeu en corrigeant deux points faibles majeurs de l’époque. Il est désormais possible de sauvegarder à tout moment via le men, et une fonction de retour arrière avec ZL+ZR permet d’annuler une chute malencontreuse. Néanmoins, la caméra des épisodes 3D demeure capricieuse. Elle reste lente, s’accroche trop souvent aux décors, et son comportement est à peine atténué par l’usage du stick analogique. Le saut, quant à lui, conserve une certaine rigidité héritée de l’époque.
D’un point de vue artistique, Gex (1995) mise sur des sprites 2D pré-rendus très colorés, dans la veine de Donkey Kong Country. Les thèmes de chaque monde (cimetière, Japon sumo, univers cartoon…) apportent une belle variété, bien que les hitboxes puissent parfois manquer de précision. Dans Gex: Enter the Gecko, les textures très pixellisées, la faible distance d’affichage et des environnements souvent trop sombres nuisent à la lisibilité. Gex 3 améliore un peu les choses avec des modèles plus nets, une palette de couleurs plus vive et des ajouts cosmétiques comme des costumes thématiques pour Gex.
La compilation propose des filtres CRT et différents formats d’affichage (4:3 ou 16:9), mais ces options ne suffisent pas à masquer l’âge des jeux, qui peinent parfois à convaincre sur le plan technique malgré leur charme rétro assumé.
Le doublage de Dana Gould (version US) incarne l’ADN de Gex : un flot continu de vannes pop-culture années 90 (cinéma, TV, publicités). Si certaines répliques restent drôles (« That’s what she said ! »), beaucoup ont mal vieilli (stéréotypes, sous-entendus sexuels). Limited Run prévient d’ailleurs par un avertissement en préambule sur le contexte historique des blagues. La BO, éclectique (jazz, rock, thèmes parodiques), est disponible intégralement dans les « Gextras ».
Le premier Gex, sorti en 1995, propose 24 niveaux en 2D particulièrement exigeants, pour une durée de vie d’environ cinq à six heures. Les épisodes suivants, Gex: Enter the Gecko et Gex 3, comptent chacun plus de quinze niveaux principaux, avec une structure ouverte et des objectifs multiples qui peuvent facilement faire grimper la durée de vie à une vingtaine d’heures par jeu, surtout pour ceux qui visent la complétion à 100 %.
La compilation ne se contente pas de réunir les trois épisodes principaux. Elle comprend également un ensemble de contenus bonus qui veulent enrichir l’expérience. Parmi ceux-ci, on retrouve une galerie d’artworks, des manuels d’époque numérisés, des bandes-annonces promotionnelles, ainsi qu’une interview inédite de Dana Gould, le comédien derrière la voix originale de Gex. Cerise sur le gâteau, un prototype jouable de Gex Jr. — un spin-off jamais commercialisé — est également inclus. Les amateurs de musique ne sont pas oubliés, avec un jukebox qui rassemble l’intégralité des bandes-son des trois jeux.
Conclusion
Gex Trilogy est une capsule temporelle fascinante qui célèbre l’audace créative des années 90. Limited Run signe un travail de préservation remarquable (sauvegardes, retour arrière, extras), mais ne peut gommer les défauts originels : caméra capricieuse, humour daté, et difficulté parfois artificielle.
LES PLUS
- Inventivité level-design et thèmes déjantés
- Bonus copieux (art, musiques, interviews)
- Modernisations bienvenues (sauvegarde, rewinds)
LES MOINS
- Caméra 3D toujours problématique
- Humour très années 90 (stéréotypes, blagues lourdingues)
- Graphismes vieillissants (surtout Enter The Gecko)









