Plongez dans les mystères des îles Canaries avec Guayota, un jeu d’aventure-puzzle développé par Team Delusion et édité par Plug in Digital. Sorti sur Nintendo Switch le 13 août 2024, ce titre ambitieux puise dans la mythologie guanche – une culture méconnue du grand public – pour tisser une quête ésotérique autour de l’île légendaire de Saint-Brendan. Malgré une promesse envoûtante et une identité visuelle singulière, Guayota peine à concilier richesse narrative, accessibilité et plaisir ludique, transformant souvent l’exploration en un parcours frustrant.
Team Delusion est un studio espagnol qui signe ici son premier jeu indie. Leur ambition est louable : mettre en lumière la culture pré-hispanique des îles Canaries et ses légendes (comme les dieux Magec et Guayota) à travers une expérience vidéoludique. Malgré une réalisation techniquement maîtrisée (bonnes performances sur Switch, graphismes cohérents), le studio montre des lacunes dans le game design et l’équilibrage des mécaniques.
Une quête mythologique captivante… en théorie
L’intrigue prend place en 1506, alors que le roi d’Espagne mandate une expédition pour retrouver la légendaire île paradisiaque de Saint-Brendan. Le héros, séparé de son équipage à la suite d’un naufrage, échoue sur une île mystérieuse où il devra explorer des temples ancestraux, retrouver ses compagnons disparus (Nicolàs, Rodrigo, Leopoldo, Aurelio) et percer les mystères d’une mythologie inspirée des croyances guanches.
Le récit s’appuie principalement sur deux éléments : des fresques murales découvertes à la fin de chaque niveau, qui dévoilent peu à peu l’histoire des dieux et de l’île, et des dialogues entre le héros et les membres de l’équipage au campement, qui viennent enrichir le contexte. Malheureusement, l’exécution pèche par excès de zèle. L’exposition est trop bavarde, avec des dialogues interminables et des cinématiques souvent pesantes. Ce trop-plein d’informations dilue la richesse du fond mythologique, pourtant original et rarement exploité dans les jeux vidéo.
La structure du jeu repose sur l’exploration de temples constitués de huit salles d’énigmes. Le but est d’activer divers mécanismes – stèles, monolithes, statues – pour atteindre la fresque finale, révélatrice d’un pan de la légende. Chaque salle peut se jouer dans deux dimensions distinctes. Le monde réel, symbolisé par la couleur jaune, implique de résoudre des puzzles lumineux à l’aide de pierres bleues et rouges tout en évitant des pièges mortels comme des lames, du gaz ou des fléchettes. Après trois échecs, la torche du joueur s’éteint, déclenchant automatiquement le basculement vers le Plan de la Folie, une version alternative sans pièges mais avec des énigmes bien plus retorses, incluant murs invisibles, portes spectrales et contraintes de temps.
L’objectif est clair : compléter les deux versions de chaque salle pour accéder à l’intégralité du récit mythologique. Une idée intéressante sur le papier, mais qui souffre d’un rythme souvent cassé par les transitions forcées entre les dimensions et un contenu narratif noyé dans sa propre densité.
Une bonne idée gâchée par le punishing design
Le cœur du jeu : des énigmes lumineuses intelligentes mais répétitives
Le gameplay repose sur une mécanique simple mais astucieuse : il faut placer des cristaux entre des monolithes afin de créer des faisceaux lumineux activant des mécanismes comme des portes. Au fil de l’aventure, cette formule s’enrichit avec l’introduction de cristaux rouges aux effets variés, de miroirs pour dévier les rayons et de pièges environnementaux venant compliquer les configurations.
Des défauts majeurs plombent l’expérience
La mort est omniprésente et punitive. De nombreux pièges sont mal signalés, en grande partie à cause d’un éclairage trop faible, et chaque erreur renvoie systématiquement au début de la salle, sans aucun checkpoint. La navigation entre les deux dimensions complique encore le tout : mourir dans le monde réel vous projette automatiquement dans le Plan de la Folie, et il est impossible de revenir en arrière tant que l’énigme alternative n’est pas résolue. Ce système, censé apporter une certaine originalité, casse en réalité le rythme de jeu. Le passage fréquent entre des énigmes plus simples dans le monde réel et des puzzles plus complexes dans le plan alternatif finit par décourager. De plus, la torche perd en intensité à chaque dégât subi, réduisant encore la visibilité. Bien qu’une source de régénération existe, elle est rare et mal positionnée.
Une maniabilité trop rigide pour un jeu d’énigmes punitif
La prise en main du personnage constitue l’un des aspects les plus frustrants. Le sprint, assigné au bouton B, est peu fiable : sa portée est trop courte, le temps de recharge trop long, et il peut provoquer une immobilisation imprévisible après son activation. Les déplacements donnent une sensation de lourdeur, avec un manque de précision qui rend l’évitement des pièges délicat, d’autant plus que certaines collisions paraissent injustes, infligeant des dégâts pour des contacts infimes. La caméra panoramique, censée aider à anticiper les dangers, ne change pas grand-chose dans l’obscurité ambiante. En fin de compte, la moindre erreur de timing ou de placement se paie très cher, ce qui accentue une frustration souvent plus artificielle que réellement stimulante.
Et la technique dans tout ça ?
La bande-son accompagne l’exploration avec des mélodies mystérieuses qui, sans être mémorables, remplissent correctement leur rôle. Les doublages, notamment lors de l’introduction, surprennent agréablement par leur qualité. Cependant, la longueur excessive de certains dialogues atténue leur impact émotionnel.
Le style visuel mise sur des décors colorés et épurés, avec des personnages stylisés sous forme de silhouettes noires aux yeux jaunes. Les temples regorgent de détails visuels, tandis que les environnements extérieurs comme les plages et montagnes offrent des panoramas magnifiques mais trop brièvement exploités. Le principal défaut vient de l’obscurité excessive dans les temples, où la torche éclaire trop peu, rendant de nombreux pièges quasiment invisibles. À l’inverse, le Plan de la Folie, plus lumineux, propose une bien meilleure lisibilité. Côté technique, le jeu tourne de manière fluide en mode TV comme en portable sur Nintendo Switch, sans ralentissements notables.
Il faut compter entre 8 et 15 heures pour terminer le jeu, selon la rapidité avec laquelle on résout les énigmes et évite les pièges. La rejouabilité reste très limitée, sauf pour les plus curieux qui souhaiteraient retrouver toutes les fresques, ce qui implique de parcourir les deux dimensions. Quelques éléments additionnels comme le journal de bord ou les dialogues avec les membres de l’équipage apportent un peu de contenu annexe. Toutefois, la difficulté punitive et la répétitivité des énigmes freinent l’envie de relancer l’aventure une fois celle-ci achevée.
Guayota est dispoible sur l’eShop au prix de quinze euros.
Conclusion
Guayota brille par son ambition et son cadre mythologique rafraîchissant, mais échoue à rendre son voyage ludiquement gratifiant. Entre énigmes mal éclairées, contrôles rigides et design punitive, il transforme une aventure prometteuse en une épreuve de patience. À tenter en démo sur l’eShop avant de se lancer.
LES PLUS
- Culture et mythologie guanches originales et fascinantes
- Direction artistique soignée et identité visuelle marquée
- Concept de double dimension (monde réel / Plan de la Folie) ingénieux
- Doublage de qualité, performances techniques solides
LES MOINS
- Maniabilité rigide et sprint imprévisible
- Pièges cheaps et visibilité désastreuse dans les temples
- Punition excessive
- Narration bavarde et rythme inégal








