Everdeep Aurora est une expérience singulière, difficile à catégoriser, souvent qualifiée de « metroidvania léger » ou de récit d’exploration contemplatif. Développé par le studio espagnol Nomada Studio, ce jeu transporte le joueur dans un monde souterrain mystérieux et magnifiquement rendu, où l’atmosphère, l’art et la narration priment sur l’action frénétique. C’est une invitation à un voyage lent, poétique et parfois mélancolique.
L’histoire et l’univers : mystère, solitude et petites bontés
Shell, une petite chatte adorable, se réveille seule sur un banc sous une pluie battante, alors que des météores déchirent le ciel et que la lune est brisée. Sa mère a disparu, laissant seulement une note lui demandant de la retrouver à « l’endroit habituel ». Face à l’apocalypse, la population a fui en sous-sol. Aidée par une grenouille nommée Ribbert, Shell reçoit une foreuse et pour mission de descendre dans les abris souterrains, les profondeurs de l’Everdeep, pour retrouver sa mère.
L’histoire centrale est simple mais sert de prétexte à explorer un monde souterrain étrange et fragmenté, peuplé de créatures animales ayant fui la surface. L’univers est présenté de manière obscure et non explicite, comparable à Dark Souls dans son approche narrative minimaliste : pas d’explications claires sur les événements apocalyptiques, pas de grands exposés de lore. Les rencontres avec les habitants (une forge, un bar clandestin, des enfants dans un manoir, une jardinière secrète, un pêcheur mélancolique, un voleur…) révèlent des micro-histoires poignantes sur la perte, l’espoir et la résilience. Shell, muette (elle communique par miaulements et expressions), incarne une bonté pure : elle aide spontanément ceux qu’elle croise, apportant réconfort et solutions à leurs problèmes, impactant positivement leur vie malgré l’ambiance de fin du monde. Le récit global reste énigmatique, laissant le joueur interpréter les événements et les motivations.
Exploration, forage et quêtes simples
Le cœur du gameplay repose sur l’utilisation de la foreuse, indispensable pour creuser à travers la roche et explorer l’Everdeep, représenté sous forme de tuiles. Chaque action de forage consomme de l’énergie, que l’on peut recharger en trouvant des cristaux rouges ou en atteignant des stations spécifiques. Même à court d’énergie, la foreuse continue de fonctionner, mais à un rythme bien plus lent, ce qui donne au forage une cadence méthodique, parfois un peu lente.
Contrairement aux premières impressions qui pourraient évoquer un jeu de gestion minière, la progression n’est pas centrée sur l’achat d’améliorations. C’est plutôt un système de type « Metroidvania léger » qui prévaut : la foreuse peut être améliorée par le forgeron Remulus, mais uniquement après avoir accompli des quêtes. Celles-ci permettent de débloquer des capacités nécessaires pour progresser dans l’exploration, comme les bottes permettant le saut mural, un jet dash, un radar pour repérer les objets, des lunettes spéciales pour révéler des passages secrets ou encore un petit robot volant qui permet de planer.
L’exploration est entièrement libre et non dirigée. Le joueur forge lui-même son chemin à travers les souterrains, créant ses propres routes et passages. La cartographie repose sur la découverte au fil du creusement, avec une simple mini-carte affichant les structures de base et les points d’intérêt, mais sans afficher les PNJ ni les passages précis, ce qui peut provoquer un sentiment de désorientation et oblige souvent à mémoriser son itinéraire.
Les quêtes confiées par les personnages non-joueurs sont en majorité des missions de collecte ou de livraison simples. Bien qu’elles soient souvent facultatives, elles enrichissent l’univers, développent les personnages secondaires et permettent de débloquer certaines améliorations ou fins alternatives. Il n’existe cependant aucun journal de quêtes pour les suivre.
Aucun système de combat n’est présent dans le jeu. L’expérience repose exclusivement sur l’exploration, la résolution de problèmes et l’entraide. Des défis optionnels sont disséminés un peu partout, allant de puzzles à base de déplacement de blocs à des plateformes instables, en passant par divers mini-jeux comme la pêche, une machine à pince, des parties de dés ou des labyrinthes, offrant ainsi de petites pauses ludiques et variées.
Les tentes servent de points de sauvegarde et permettent le voyage rapide entre zones déjà découvertes. En cas de problème ou si Shell se retrouve bloquée, Ribbert peut être invoqué à tout moment pour la ramener au dernier campement visité.
Le jeu regorge d’objets à collectionner : des cristaux rouges servant à la fois de monnaie et de source d’énergie, des photographies, dessins, partitions, et surtout des chapeaux à collectionner pour personnaliser l’apparence de Shell, ajoutant une touche de charme à l’ensemble.
Simplicité avec quelques complexités
La maniabilité pour se déplacer, sauter et forer est simple et intuitive. Cependant, l’interface des menus et de l’inventaire est décrite comme parfois confuse ou peu pratique (objets empilés dans l’ordre d’acquisition sans tri). L’absence de carte globale et le manque de marqueurs pour les PNJ ou objectifs rendent la navigation parfois trial-and-error.
La bande-son est un point fort exceptionnel. Lumineuse, bien définie, atmosphérique, émouvante, tranquille. Les compositions principalement piano sont envoûtantes et belles, variant selon les zones et les personnages rencontrés, participant grandement à l’immersion et à la poésie du jeu. Les bruitages sont doux et efficaces, complétant les animations.
Le style pixel art main-drawn est magnifique, époustouflant (stunning). Il évoque un hommage aux machines 16-bit avec une finesse moderne. L’approche des couleurs est audacieuse et très stylisée : utilisation de palettes faiblement saturées et soigneusement sélectionnées pour chaque zone (mansions, laboratoires, speakeasies, égouts, jardins…), créant une atmosphère unique, mélancolique et onirique. Les animations sont douces (smooth) et expressives, notamment pour Shell et les PNJ. L’art dépeint un monde « triste et brisé » mais d’une grande beauté visuelle.
La durée de vie du jeu varie en fonction de l’implication du joueur. Atteindre une première fin, qui dépend du degré d’exploration et de l’aide apportée aux PNJ, prend généralement entre trois et six heures. En revanche, pour découvrir toutes les fins alternatives — influencées par les quêtes accomplies —, dénicher chaque secret et collecter tous les objets disséminés dans l’Everdeep, il faudra compter une douzaine d’heures.
Le rythme est volontairement lent, contemplatif et apaisant. Le jeu ne cherche pas à maintenir une tension constante ni à multiplier les événements spectaculaires. Il offre plutôt une expérience tranquille, presque méditative, propice à la réflexion et à la découverte.
Cette approche peut cependant diviser. Ceux qui sont en quête d’une expérience atmosphérique, d’une liberté d’exploration sans direction précise, d’un monde enchanteur à découvrir, d’une bande-son immersive, de personnages touchants et d’une narration subtilement poétique y trouveront une aventure marquante. Le plaisir vient ici du voyage lui-même, du calme ambiant, de la bienveillance du personnage principal Shell, et de la satisfaction de creuser lentement l’Everdeep, comme si l’on sculptait le monde autour de soi.
À l’inverse, les joueurs à la recherche d’action soutenue, d’une progression structurée, d’objectifs clairs, d’une narration explicite ou d’une grande profondeur mécanique pourraient être déconcertés. Le rythme paisible et l’absence de tension peuvent donner l’impression d’un jeu sans véritable but, et déplairont probablement à ceux qui espéraient une simulation de gestion minière dynamique.
Conclusion
Everdeep Aurora n'est pas un jeu pour tout le monde. C'est une pépite de niche qui privilégie résolument l'atmosphère, l'art, la musique et une narration fragmentée à l'intensité gameplay ou à une progression conventionnelle bien balisée. Son rythme lent, son sentiment d'errance poétique ("aimless") et sa structure ouverte peuvent dérouter ou frustrer. Cependant, pour le joueur prêt à se laisser porter par son univers visuellement sublime, sa bande-son envoûtante et la quête touchante d'une petite chatte courageuse et bienveillante, il offre une expérience de voyage contemplative unique et mémorable. C'est un jeu à vivre comme une parenthèse onirique, idéalement lors d'une nuit calme, pour se perdre dans la beauté mélancolique de l'Everdeep. Si vous cherchez une aventure douce-amère, artistiquement exceptionnelle et émotionnellement subtile, Everdeep Aurora mérite votre descente. Si vous avez besoin d'un guidage ferme et d'une action constante, passez votre chemin.
LES PLUS
- Pixel art époustouflant et direction artistique unique
- Bande-son magnifique et parfaitement atmosphérique
- Histoire et quêtes annexes captivantes, personnages intéressants
- Mécanique centrale de forage satisfaisante
- Façonner physiquement le monde en creusant son chemin
- Collectables qui enrichissent l'histoire
- Localisation de qualité
- Atmosphère unique, poétique et mélancolique
LES MOINS
- Menus et interface parfois confus
- Système de guidage peu clair
- Navigation parfois pénible
- Structure narrative globale opaque et fin potentiellement abrupte
- Rythme lent qui ne conviendra pas à tous









