Plonger dans l’univers des jeux d’action-aventure rétro est souvent un pèlerinage nostalgique. Saga of the Moon Priestess, développé par Pixel Trash et édité par Eastasiasoft, promet exactement cela : un hommage aux classiques 8/16 bits, avec son pixel art et ses donjons à explorer. Mais derrière cette façade séduisante pour les amateurs du genre, se cache une aventure qui trébuche sur ses propres ambitions. Après plusieurs heures passées dans le royaume de Lunaria, le bilan est mitigé, voire décevant.
Une aventure lunaire sans éclat
Pixel Trash, studio émergent, affiche clairement son inspiration : les Zelda de l’ère Game Boy et Super Nintendo. Leur objectif ? Capturer la magie des jeux d’antan avec une héroïne nouvelle, Sarissa, et un monde peuplé de secrets. Malheureusement, l’hommage frôle souvent le plagiat, pompant sans complexe mécaniques et assets visuels (dont certains rappellent Zelda: A Link to the Past), sans parvenir à y insuffler une identité propre.
Le pitch est simple : un prince est enlevé par une sorcière maléfique, et Sarissa, une orpheline guidée par la Déesse de la Lune, part à sa rescousse. Si le cadre mythologique aurait pu être riche, il reste désespérément vide. Les dialogues sont squelettiques, les PNJ du village unique répètent des répliques insignifiantes, et la trame narrative ne dépasse jamais le stade de l’exposition initiale. Résultat : une quête qui manque cruellement d’âme et de motivation.
Saga of the Moon Priestess adopte une structure classique qui rappelle les premiers Zelda : exploration d’une carte monde, résolution d’énigmes dans cinq donjons, et collecte d’objets (comme les gants, l’arc, les bombes ou le grappin) indispensables à la progression.
La carte du monde, bien que proposant des environnements variés comme une forêt, un désert ou des montagnes, reste étonnamment petite et rigide dans sa conception. L’aventure est ultra-linéaire : chaque donjon nécessite un objet précis pour en débloquer l’accès, empêchant toute liberté d’exploration ou retour en arrière spontané. Quelques secrets, tels que des quarts de cœur ou des améliorations, parsèment les zones, mais ils sont trop rares et peu gratifiants pour vraiment enrichir l’exploration.
Le système de combat constitue malheureusement l’un des points faibles majeurs du jeu. Sarissa, l’héroïne, ne peut attaquer que dans les quatre directions cardinales, ce qui rend les affrontements imprécis et frustrants, surtout contre des ennemis rapides ou en mouvement constant. L’absence de bouclier accentue ce déséquilibre, obligeant à engager les combats au corps-à-corps avec une lance à la portée étonnamment courte. La gestion de l’équipement est elle aussi laborieuse : changer d’objet, comme équiper les gants pour soulever des rochers ou l’arc pour atteindre un interrupteur, nécessite de passer constamment par le menu, ce qui nuit au rythme de jeu. La difficulté générale est mal équilibrée. Le premier boss, une nuée de coléoptères ultra-agressifs, s’avère brutalement difficile, tandis que le reste de l’aventure devient très facile une fois quelques objets clés obtenus.
Les donjons, quant à eux, sont assez classiques dans leur construction. Les énigmes proposées sont en majorité simples et peu inventives, se limitant souvent à déplacer des blocs ou éliminer tous les ennemis d’une salle. Quelques exceptions viennent relever un peu l’ensemble, notamment certains puzzles utilisant les bombes ou un objet permettant d’échanger sa position avec un ennemi ou un bloc. Mais dans l’ensemble, le level design manque d’originalité, et peu de séquences marquent durablement l’esprit.
Malgré une volonté manifeste d’honorer les classiques du genre, Saga of the Moon Priestess peine à trouver un équilibre entre hommage respectueux et mécaniques réellement convaincantes.
Un jeu en pilote automatique
Le pixel art de Saga of the Moon Priestess s’inspire ouvertement des titres Game Boy Color, mais sans parvenir à en capturer le charme ou la finesse. Sarissa et les environnements sont correctement dessinés, mais restent globalement ternes, manquant d’éclat ou de personnalité visuelle. Aucun lieu ne fascine vraiment, et rien ne suscite l’émerveillement au fil de l’exploration. Le jeu souffre aussi d’une incohérence visuelle marquée : certains boss affichent un niveau de détail bien supérieur au reste des graphismes, ce qui provoque un décalage stylistique perturbant. L’interface, quant à elle, pose de vrais problèmes de lisibilité. Elle peut masquer des éléments essentiels des énigmes, comme des cibles à atteindre avec l’arc, ce qui constitue une erreur de conception difficile à excuser dans un jeu reposant justement sur la résolution de puzzles.
La musique de Saga of the Moon Priestess se montre correcte, mais sans relief. Composée de quelques pistes seulement, elle accompagne l’aventure sans jamais la sublimer. Aucune mélodie ne reste en tête, et l’ensemble donne surtout l’impression de remplir un cahier des charges, sans émotion ou synchronisation avec l’action. Les bruitages sont eux aussi très basiques, dignes d’un jeu NES plus que d’un hommage Game Boy Color. Certains sons semblent même directement inspirés de Zelda, notamment le jingle d’ouverture de coffre. Le jeu ne propose aucun doublage, ce qui ne serait pas un problème si les rares lignes de dialogue n’étaient disponibles qu’en anglais. L’absence de traduction française risque ainsi de décourager une partie du public.
L’aventure se boucle en deux à trois heures, même en cherchant à atteindre les 100 %. C’est une durée extrêmement courte, même pour un jeu indépendant s’inscrivant dans l’esthétique rétro. Pire encore, la rejouabilité est inexistante : il n’y a aucun mode supplémentaire à débloquer, les secrets sont dérisoires, et la fin n’offre ni récompense satisfaisante ni conclusion mémorable. Une fois terminé, le jeu n’offre aucune raison d’y revenir.
La version Switch de Saga of the Moon Priestess n’est pas exempte de défauts techniques, certains affectant sérieusement l’expérience de jeu. On constate des collisions imprécises, notamment lors des transitions entre écrans, ce qui peut entraîner des dégâts injustes. Des softlocks sont également possibles, comme le fait d’apparaître en boucle dans un plan d’eau après un changement de zone, sans moyen de s’en sortir autrement qu’en redémarrant. Un bug majeur permet même de sauter le boss final du dernier donjon en mettant le jeu en pause pendant une animation, ce qui casse complètement la progression. Enfin, un testeur a rapporté un problème lié à une clé essentielle ne réapparaissant pas, sans qu’on sache s’il s’agissait d’un bug ou d’un mauvais choix de design.
En l’état, malgré son intention de rendre hommage aux classiques des années 1990, Saga of the Moon Priestess manque de polish, de finition et de profondeur pour convaincre durablement.
Conclusion
Saga of the Moon Priestess ambitionne de marcher dans les pas des classiques de l’ère 8-bit, en particulier ceux de la série The Legend of Zelda. Malheureusement, malgré une intention sincère et un univers mythologique qui aurait pu offrir un cadre riche, le résultat final reste décevant à bien des égards. Le gameplay souffre d’une rigidité constante, entre des combats limités aux quatre directions et des hitbox trop souvent imprécises pour que les affrontements soient vraiment satisfaisants. L’exploration, censée évoquer un sentiment de découverte, est entravée par une linéarité omniprésente et une progression systématiquement verrouillée par l’acquisition d’objets-clés. Au-delà de cette structure étouffante, le jeu peine à imposer une véritable personnalité. Ses graphismes, bien qu’honorables, manquent de charme ou de cohérence, tandis que sa bande-son se contente d’accompagner sans jamais sublimer. La courte durée de vie, comprise entre deux et trois heures même en complétant tous les secrets, ne laisse que peu de place à l’attachement. Et une fois le générique déroulé, rien ne pousse à relancer l’aventure. L’absence totale de contenu secondaire ou de rejouabilité condamne Saga of the Moon Priestess à l’oubli rapide. Pire encore, des problèmes techniques viennent entacher l’expérience, entre bugs de collision, risques de softlock, mauvaise gestion de l’interface et exploit permettant de passer le boss final. Même les plus nostalgiques risquent de se sentir trahis par cette aventure trop courte, maladroite et frustrante, loin du charme intemporel qu’elle voulait invoquer. Reste alors un jeu qui ne s’adresse qu’à une niche très précise : celle des amateurs absolus de Zelda-like old-school, prêts à pardonner les nombreuses imperfections pour retrouver, l’espace d’un instant, un soupçon de nostalgie. Pour les autres, cette Priestess ne marquera ni la mémoire, ni l’histoire du genre.
LES PLUS
- Ambiance rétro fidèle
- Variété des environnements
- Gameplay classique
- Donjon bonus
- Arsenal classique efficace
- Durée de vie courte
LES MOINS
- Maniabilité rigide
- Progression trop linéaire
- Difficulté mal équilibrée
- Collisions défaillantes lors des changements d’écran
- Softlocks possibles (ex : respawn dans l’eau)
- Bug majeur permettant de sauter le boss final via la pause
- UI masquant parfois des éléments de puzzle (cibles à viser)
- Histoire inexistante, dialogues pauvres et PNJ répétitifs
- Rejouabilité nulle
- Jeu uniquement en anglais (pas de français)
- Graphismes ternes et incohérents (pixel art grossier, styles mélangés)
- Animations lentes (déplacement, port des objets)
- Bruitages basiques et OST peu mémorable









