Chris Darril revient avec un nouveau titre arborant un aspect plus animation 2D façon films de Disney ou plutôt de Don Bluth, mais avec une ambiance plus « horrifique »… Cet au revoir à Carole serait-elle la promesse d’une aventure redéfinissant le genre ? Prenez votre plus beau ruban et venez avec nous découvrir le pays magique de Corolla…
Bienvenue à Corolla
Bye Sweet Carole est la nouvelle incursion de Chris Darril dans le domaine du jeu vidéo. On lui doit notamment le diptyque Remothered (Tormented Fathers et Broken Porcelain, dont nous avions déjà eu l’occasion de vous parler). Pour ce nouveau titre, Chris Darril a souhaité proposer une aventure inspirée par les premiers films d’animation classiques de Walt Disney (Blanche-Neige, Cendrillon, la belle au bois dormant). Pour ce faire, il a donc imaginé une histoire et a monté une nouvelle équipe, Little Sewing Machine. Le challenge était relevé : proposer un jeu en 2 dimensions mais reprenant les codes des films d’animation, tout en abordant un côté sombre/horrifique.
Chris Darril a donc concocté une histoire se déroulant au début des années 1900, en Grande Bretagne, à une époque marquée par l’essor du mouvement politique féministe. On va y suivre les aventures « fééhorrifiques » de la jeune Lana Benton, vivant à l’orphelinat de Bunny Hall qui vise à façonner des bonnes petites maîtresses de maison. Mais tout n’est pas si parfait à Bunny Hall… Lana soupçonne que la disparition de sa meilleure amie Carole n’a rien d’une simple fugue. Elle découvre des lettres et la correspondance entre Carole et le mystérieux « Marcel »… Lana décide donc de mener l’enquête et ce faisant, apprend qu’elle serait également la princesse héritière du royaume de Corolla… L’histoire oscille alors entre le fantastique et le réel… Mais qu’est-ce qui est vraiment réel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Le diabolique M. Kyn existe-t-il vraiment ? Est-ce lui, aidé de son horrible chouette Velenia, qui serait la cause de la disparition de la douce Carole ? Nous n’en dirons pas plus pour ne pas dévoiler l’ensemble de l’intrigue (même s’il est possible qu’on l’évoque un peu plus bas), mais dites-vous que l’histoire qui nous est contée par Chris Darril est à la frontière d’un film d’animation des studios Don Bluth (pour la gravité des thèmes abordés), réalisé par Guillermo Del Toro (on pense notamment au labyrinthe de Pan).
Entre rêve et réalité
Bye Sweet Carole se présente comme un jeu en 2 dimensions, avec des phases de réflexion, de plateformes et un gros soupçon de point-and-click (mais sans la souris). On dirige donc la jeune Lana Benton qu’il est possible de déplacer vers la gauche ou la droite de l’écran à l’aide du stick gauche. Elle peut se déplacer en marchant lentement et sans faire trop de bruit, ou alors en courant. Lana peut interagir avec certains éléments du décor et dans ce cas, une icône dédiée apparaît à l’écran. À la manière d’un point-and-click, il faudra trouver certains éléments à associer pour progresser dans le jeu (et dans l’histoire). Assez vite dans le jeu, Lana découvrira qu’elle est capable de se changer en lapin (quelque chose que l’on pourrait trouver assez commun dans un lieu qui s’appelle Bunny Hall) et cela donne lieu à des phases de plateformes, par chance pas trop envahissantes. Certains chapitres vous demanderont également d’esquiver un poursuivant (à la manière de ce qu’il fallait faire dans Remothered pour celles et ceux qui ont eu l’occasion d’y jouer). Durant ces phases, il faudra donc éviter de courir au risque de faire tomber des objets, dont les bruits de chute auront pour effet d’attirer vos poursuivants dont les attaques peuvent être fatales à Lana… Il faudra alors se déplacer en marchant et utiliser certaines zones pour se cacher et retenir son souffle lorsque les vilains passeront à côté.
Il faudra alors cumuler discrétion et réflexion pour progresser dans les 6 à 10 tableaux qui composent les différents chapitres de l’aventure. L’avantage étant que le jeu se renouvelle régulièrement, même si la base reste la même. Il faudra trouver les bons objets qui vous permettront de débloquer certains passages en évitant parfois des ennemis (toujours différents), pour progresser. Certains chapitres auront un côté plus plateforme, d’autres seront plus orienté « action » et certains vous demanderont même de faire preuve de coopération.
Princesse d’un royaume magique oblige, notre héroïne profitera de l’assistance d’un adjuvant répondant au nom de M. Beasie (qui a tendance à perdre la tête) mais s’avère capable de se défendre avec un… parapluie. Atout qu’il utilisera comme une épée pour défaire les créatures goudronneuses envoyées par le vil M. Kyn ! Vous l’aurez compris, certaines phases vous permettront de diriger l’original M. Beasie et d’autres vous demanderont même de coopérer avec cet être un peu étrange. Il faudra alors switcher entre les deux personnages pour résoudre les énigmes et ouvrir certaines portes. M Beasie est capable de n’utiliser que sa tête pour se déplacer, et profite ainsi d’une capacité spéciale qui lui permet de s’approprier des capacités électriques et enflammées qui arriveront à point nommé pour débloquer des passages bloqués.
D’autres niveaux vous demanderont de réaliser des enchaînements de touches au bon moment (façon Guitar Hero… mais en plus facile !) et un chapitre vous demandera même de voyager entre le passé et le futur pour retrouver le présent…
Haut les mains, peau de lapin !
Difficile de parler du jeu sans trop en révéler sur l’histoire… Chaque élément que l’on découvrira au cours de notre progression sera une pièce de puzzle qui prise à part nous laissera interloqué, mais l’ensemble des pièces formera un tout cohérent (avec une part de magie) à l’issue de l’acte final. Outre la magie et les oiseaux qui parlent (vous savez bien que toutes les princesses savent parler avec les animaux), il sera également question d’émancipation, de la place des femmes, des suffragettes, d’acceptation de soi et du passé, sans oublier le passage vers l’âge adulte, le fait de savoir et d’apprendre à aller de l’avant… ça en fait des choses, hein ? Et lu comme ça on pourrait croire que l’ensemble est décousu… mais le studio ne s’appelle pas Little Sewing Machine pour rien et chacun des éléments trouvera sa place dans l’histoire… Une action ou une rencontre visiblement anodine au début du jeu trouvera un écho plus tard durant votre partie.
Cependant, cette adhérence à l’histoire crée un côté un peu scripté qu’il faudra accepter pour progresser. Le jeu prend dès le début un petit côté Dragon’s Lair où vous passerez d’un champ de fleurs dans un cadre champêtre ensoleillé à une poursuite dans un marécage où il faudra appuyer sur les bonnes touches au bon moment pour échapper à une sinistre créature… Le timing est parfois serré et il arrive que la frustration pousse à laisser un peu la partie en pause avant de reprendre. Dans le même ordre d’idée, certaines phases de plateforme couplées à des transformations lagomorphiques s’avèreront moins agréables à parcourir (la faute parfois à une animation un petit peu rigide… mais toujours fluide). Un passage particulier vous demandera d’actionner un interrupteur à un moment bien précis, sous peine de recommencer au dernier point de contrôle. Heureusement ceux-ci sont plutôt généreux et n’obligent pas à refaire un niveau tout entier. Les phases d’action quant à elles (généralement dans la peau de M. Beasie) sont horriblement longues et répétitives… Il faudra aussi déclencher des évènements bien spécifiques (en tentant d’actionner un objet ou en observant) si l’on veut débloquer notre progression. Mais ces phases indispensables (et parfois agaçantes) trouvent un équilibre avec la qualité du récit qui nous est offert. Les phases animées avec des dialogues sont d’ailleurs assez nombreuses (et sous-titrées dans un français de qualité).
Une réalisation féérique
Car au final, avant d’être un jeu, Bye Sweet Carole est avant tout une histoire, un véritable film d’animation interactif à la réalisation vraiment soignée. Outre l’animation des personnages (même si certaines sont un peu rigides), on retrouve ce rendu que l’on a pu découvrir dans Blanche Neige ou la Belle au bois Dormant… Chaque personnage est vraiment réussi et bien caractérisé. Il en est de même pour les décors, dont certains sont vraiment de toute beauté ! À l’image d’un Heart of Darkness, il existe également des animations spécifiques à certaines morts du personnage principal… et nous devons avouer qu’il nous est « peut-être » arrivé de laisser mourir Lana pour découvrir certaines séquences… En tout cas, on peut dire (et même écrire) que le petit studio a fourni un travail digne des plus grands. Les détails sont vraiment soignés (malgré un petit essoufflement ressenti dans l’usage des zooms sur le dernier acte) et les plans cinématographiques contribuent au plaisir de la découverte.
On l’a écrit plus haut, les doublages (en anglais) sont plutôt réussis et on retrouve des collaborateurs / collaboratrices habitués à Chris Darril et ayant déjà donné de la voix dans Remothered par exemple. Outre la partie vocale, la partition musicale n’est pas en reste et la bande-son signée Luca Balboni s’avère une réussite, digne d’un film d’animation ! Même si certains passages semblent souffrir d’absence de bruitages, l’ambiance globale du jeu, qu’elle soit musicale ou visuelle, est réussie et s’avère encore une fois sublimée par la qualité de son histoire. Vous devrez traverser 10 chapitres pour voir le bout de l’aventure ; comptez huit heures pour une première partie, un peu moins pour une seconde sachant qu’il n’y a pas forcément de plus-value à refaire le jeu, si ce n’est de faire découvrir l’aventure à un(e) ami(e).
Bye Sweet Carole est disponible au prix de 24,99 euros sur l’eShop.
Conclusion
Bye Sweet Carole s’avère une expérience intéressante à vivre, malgré quelques aléas. Présentée comme « un film de Disney à l’ambiance horrifique », son histoire lorgne un peu plus du côté des réalisations de Don Bluth pour la profondeur des thèmes abordés avec une grosse pincée de Guillermo Del Toro. Si vous êtes sensibles aux œuvres des deux réalisateurs sus cités, la dernière œuvre de Chris Darril ne vous laissera pas indifférent. Il faudra certes faire fi des phases de plateforme et de combat moyennement réussies, mais l’histoire et l’aventure proposées parviennent à gommer (en partie) ces défauts. Pas loin du dessin animé interactif, Bye Sweet Carole est parfait pour les soirées d’octobre !
LES PLUS
- L’univers graphique du jeu
- L’histoire
- La diversité des niveaux
- La bande-son
- Doublage VO de qualité
LES MOINS
- Quelques bugs, surtout sur la fin
- Des passages un peu lassants
- Les phases de plate-forme
- Les phases de combat
- Des bruitages absents
- Certaines animations
- Synchronisation labiale pas toujours réussie









