On a tous, quelque part au fond de nous, un jeu qui a défini notre jeunesse de joueur. Pour certains, ce furent les héros de Nintendo ou de Sega. Pour nous, ce furent les aventures point-and-click sur Amiga, avec leur humour absurde et leurs puzzles improbables. Parmi ces classiques, Simon the Sorcerer occupait une place de choix, offrant une réponse britannique et sarcastique à Monkey Island. Aujourd’hui, après une longue absence, le jeune sorcier impertinent fait son retour sur Nintendo Switch avec Simon the Sorcerer Origins, un préquel développé par le studio italien Smallthing Studios. La question qui brûle toutes les lèvres est simple : cette renaissance est-elle à la hauteur de la légende ?
La lourde tâche de ramener Simon à la vie est revenue à Smallthing Studios, un développeur indépendant basé en Ligurie, en Italie. Loin de s’être lancé tête baissée, le studio a obtenu la bénédiction des créateurs originaux de la série, Simon et Michael Woodroffe. Cet amour et ce respect pour la source originale transpirent à travers chaque pixel de cette nouvelle aventure. On sent que le jeu est né d’une passion sincère pour le genre et pour ce personnage culte.
Aux origines de la magie
Comme son titre l’indique, Origins nous plonge dans les débuts de Simon. Nous sommes en 1993, et notre héros est un adolescent ordinaire, en pleine crise existentielle due à un déménagement familial. La découverte d’un portail magique dans sa nouvelle chambre le propulse dans un monde fantastique où la magie est reine. Il y fait rapidement la connaissance de Calypso, un sorcier qui lui apprend qu’une prophétie le concerne : « Un enfant impertinent d’un autre monde aidera à trouver les tombes du Premier Sorcier ». Le voilà donc embarqué dans une quête qui le confrontera à son futur némésis, Sordid, et lui fera croiser la route de personnages familiers, comme son fidèle chien Chippy ou l’inévitable Friendship Stew. Le scénario, fidèle à l’esprit de la série, sert de prétexte à une succession de situations comiques et de rencontres absurdes.
On est ici en territoire classique : Simon the Sorcerer Origins est une aventure point-and-click dans la plus pure tradition. On clique (ou on dirige au stick) pour se déplacer, on interagit avec l’environnement, on collectionne des objets farfelus dans un chapeau magique aux dimensions improbables, et on combine le tout pour résoudre des puzzles.
Les puristes se réjouiront : la logique parfois tordue des jeux d’antan est bien présente. Il faudra faire preuve d’intuition et d’une bonne dose de réflexion latérale pour avancer. Heureusement, l’interface a été modernisée. Finie la chasse au pixel ! Une pression sur une gâchette fait apparaître tous les points interactifs d’un écran, et on peut naviguer entre eux avec les boutons latéraux. C’est une bouffée d’air bienvenue qui évite des heures de frustration stérile. Le mode non docké profite également pleinement de l’écran tactile de la Switch pour une expérience plus directe.
Le jeu introduit aussi de nouveaux mécanismes, comme l’apprentissage de sorts et l’obtention de différents chapeaux magiques qui influent sur le contenu de l’inventaire. Ces ajouts apportent une petite touche de fraîcheur sans trahir l’essence du gameplay.
Entre modernité et frustration
La maniabilité est intuitive et rend l’exploration agréable. Cependant, le jeu reste fidèle à l’une des caractéristiques les plus discutables du genre : les puzzles parfois obscurs. Certaines solutions étirent la logique jusqu’à la corde, et on peut se retrouver à errer dans de vastes environnements, testant chaque objet de son inventaire sur chaque élément du décor. Un système d’aide plus poussé aurait été le bienvenu. Heureusement, Simon commente parfois la situation, donnant des indices subtils sur la marche à suivre.
Le parti pris artistique est audacieux : Smallthing Studios a opté pour un style entièrement dessiné à la main, composé de près de 15 000 images. Le résultat est charmant et évoque avec justesse l’âge d’or des aventures graphiques, dans un style qui rappelle Return to Monkey Island. Les décors sont de véritables tableaux. En revanche, l’animation peut parfois paraître un peu raide, et un zoom trop prononcé sur certains éléments révèle les limites du style sous la haute définition. C’est un compromis qui fonctionne globalement bien, même s’il ne remplacera peut-être jamais le pixel art nostalgique des originaux pour certains puristes.
C’est peut-être le plus grand triomphe du jeu : Chris Barrie, l’acteur culte de Red Dwarf et voix originale de Simon, est de retour. Sa performance est impeccable ; il incarne à nouveau parfaitement le cynisme et l’humour sarcastique de l’adolescent. Les dialogues sont drôles, très britanniques, et Simon ne rate pas une occasion de briser le quatrième mur pour commenter avec le joueur l’absurdité de sa situation. La bande-son, composée par Mason Fischer, est riche et évocatrice, rappelant parfois les grandes compositions des dessins animés de Don Bluth. Et pour couronner le tout, une apparition surprise de Rick Astley lors du générique d’introduction vient ajouter une couche de nostalgie pure et d’humour.
Comptez entre 10 et 15 heures pour venir à bout de cette aventure, en fonction de votre aptitude à résoudre les puzzles les plus retors. La durée de vie est donc tout à fait honorable. Si une séquence vers la fin du jeu peut sembler un peu répétitive, l’ensemble reste rythmé et agréable.
Conclusion
Simon the Sorcerer Origins est une réussite. C'est un retour aux sources, fait avec amour et respect par des fans, pour les fans. Smallthing Studios a réussi la gageure de moderniser les mécaniques sans trahir l'esprit espiègle et absurde de la série. Si certains puzzles trop obscurs et des animations un peu raides peuvent légèrement entacher l'expérience, ils ne suffisent pas à gâcher le plaisir. L'humour cynique, le retour triomphal de Chris Barrie, les magnifiques graphismes hand-drawn et la bande-son enchanteresse font de cette préquelle une aventure incontournable pour les amateurs du genre et un excellent moyen de faire découvrir les charmes du point-and-click à une nouvelle génération. Heureux de te revoir, Simon, tu nous a manqué.
LES PLUS
- Humour cynique et dialogues hilarants
- Le retour magique de Chris Barrie
- Contrôles intuitifs et modernisés
- Magnifiques graphismes dessinés à la main
- Une bande-son et des voix impeccables
- Un bel hommage fidèle à l'esprit original
LES MOINS
- Certains puzzles sont frustrants par leur manque de logique
- Les animations peuvent être un peu raides
- Une fin un peu répétitive









