Vous en avez marre des AAA bien badasses, remplis de choses à faire dont une seule vie ne suffit pas pour en faire le tour ? Vous avez envie de quelque chose de différent ? Emil Ismaylov et Denis Petrov vous proposent avec Alvéole de réaliser un voyage cérébral onirique au travers d’un casse-tête minimaliste.
Le bouleversement des habitudes !
De primes abords, lorsque nous jouons pour la première fois, l’envie du jugement facile nous gagne. Mais quel est donc ce titre si pauvre graphiquement ? Pourtant, vous seriez bien mal engagés dans son appréciation si vos yeux constituaient les seuls organes critiques de ce que nous pourrions considérer comme une œuvre poétique. Alvéole, développé par North Lab nous propose une lecture plus sensorielle du jeu vidéo.
Dès les premières secondes engagées, lâché par une main géante, vous observez cet homme qui s’écrase sur un sol que l’on imagine grâce à l’ombre qu’il projette. Une fois relevé, votre personnage rejoint ce que l’on pourrait considérer de prime abord comme une roue pour Hamster. Vous observez autour de ce maigre décor, dessiné à la main en noir et blanc, quelques pictogrammes divers et variés ainsi que 16 cases vides. Un pendentif, un chat, un dinosaure, des montagnes… Sans aucun tutoriel, après avoir essayé les multiples touches de votre manette dont leur nombre est dans la plupart des titres fort utile, vous aurez trouvé LE bouton unique qui permettra au protagoniste, aussi minimaliste que le reste de se mettre à courir. En réalité, la lettre A était écrite en manuscrit en bas, entre parenthèses. Mêlée subtilement à la patte artistique du jeu, elle se fit discrète au point que certains l’auront remarquée, d’autres pas. Une manière déstabilisante de nous informer. Les aides sont habituellement dictées par des codes bien précis dans le monde vidéoludique.
L’éveil des sens
Après quelques tours de roue, sans qu’aucune action ne se passe, la lassitude commençant déjà à vous gagner, une récompense arrive pour les plus endurants. Un obstacle, symbolisé par une forme noire aux allures de maison vient entacher votre torpeur et réveille en vous cet instinct de joueur. Toute action engendre une réaction. Cette forme sombre s’approchant de vos pieds, ce réflexe indubitable vous amène à actionner le bouton A. Vous ne savez alors pas pourquoi, mais vous devez sautez. C’est une réaction humaine ! L’idée de tomber est effrayante ! La peur et la logique vidéoludique se mêlant, vous avez le sentiment d’une aisance, voire d’une pauvreté de gameplay. Nous ne sommes pourtant pas dans une piètre copie d’un jeu de plateforme ayant pour héros un plombier moustachu. La roue continue de tourner et vous vous questionnez encore et encore…
Une seconde forme noire identique se présente à nouveau. Perdus dans vos pensées, trop concentrés sur l’intérêt de ce titre, vous ratez votre saut. Vous remarquez alors que l’un des symboles a bougé. Il s’est peut-être transformé ? Quelque chose a disparu ? Cette inattention vous interpelle. Au prochain obstacle, vous serez donc plus en clin à l’observation.
C’est ainsi qu’Alvéole manipule votre esprit, l’éduque ou le réoriente vers une nouvelle façon d’appréhender ce qu’un jeu vidéo nous propose habituellement.
C’est une forme d’éveil des sens que nous proposent Emil Ismaylov et Denis Petrov. Tel un nourrisson qui découvrirait ce qui l’entoure. Bercés par une musique lancinante jouée au piano et dont la reverb accentue cette ambiance particulière, vous ne pourrez que vous sentir mal à l’aise face à cette œuvre qui ne vous a pas encore révélé tous ses secrets. Cette mélodie, associée à la résonance de nos premiers pas de course dans cette sphère alvéolée, nous rappelle étrangement l’ambiance sonore de Minecraft. Sans doute, une pure coïncidence, mais les fans s’interrogeront sans aucun doute. La comparaison s’arrête là.
Une approche vidéoludique philosophique
Le troisième bloc arrive et soudainement, vos sens sont aux aguets. Vous passez cette fois sans encombre. Un bruit retentit, une autre image réagit, mais de manière différente. Vous comprenez alors qu’il existe un lien entre votre action et la réaction du décor. Votre esprit se libérant de sa croyance limitante, vous acceptez de scruter un peu plus cette scène simpliste et complexe à la fois. Vous décidez alors de tenter ce que nous pourrions appeler une combinaison. Le nombre d’obstacles est de 7 par session. Une fois ceux-ci passés, le jeu recommence en conservant les pictogrammes accumulés dans les cases. Des indices se révéleront en les observant. Il vous appartiendra donc d’être attentif aux sons, aux graphismes qui évolueront et vous donneront des signaux en fonction de vos interactions.
Cette fois, vous sautez parfaitement au-dessus de l’ensemble des obstacles qui se présentent à vous. Une image en plein écran apparaît. Elle est le fruit d’une combinaison réalisée. Un mot écrit sous le dessin symbolise la méthode utilisée de manière métaphorique ou analogique. Vous venez à l’instant de comprendre toute l’essence de ce titre. Chaque pictogramme doit être débloqué par une façon précise de jouer. L’affiche ainsi glanée viendra combler les cases vides au fur et à mesure. Le jeu n’est pas très long et sa rejouabilité est quasi inexistante. Nous vous laisserons donc découvrir la suite qui regorge encore de secrets. Nous en avons déjà assez dévoilé. Ce test constitue en soit un spoil obligatoire.
Nous vous invitons fortement à aller jusqu’au bout de ce que nous propose le jeu. Ouvrez vos chakras et tentez d’analyser la conclusion et d’en ressortir un message philosophique. Nous vous invitons à nous en faire part dans les commentaires et à échanger les uns avec les autres, telles des abeilles qui communiqueraient entre elles, dans leurs alvéoles !
Conclusion
Vous, lecteurs, qui aimez pour la plupart commencer le test par la conclusion. Cette fois-ci, nous vous donnons raison, car afin de décrire ce titre, il a été nécessaire de vous en spoiler une partie de son contenu. Si vous êtes curieux, nous vous conseillons donc, de l’essayer et ensuite seulement de lire cet écrit. Alvéole est au jeu vidéo ce que Kant est à la philosophie. Il représente une école de pensée, une autre manière d’apprécier le monde vidéoludique. Cette lecture n’est ni bonne ni mauvaise, elle appartient à chacun. Il est indéniable que la richesse de l’œuvre du studio North Lab n’est pas là où le joueur à l’habitude de la trouver. La vérité est ailleurs. Il est alors possible que notre personnalité ait guidé notre récit et que vous lecteurs, vous ne le ressentiez pas du tout de la même manière. La réussite de ce jeu, ne serait-elle pas là ? Permettre une telle diversité d’analyse avec une direction artistique aussi minimaliste ? Susciter autant de sentiments en fonction de son public ? Dégoût, amour, curiosité, réflexion entre autres. C’est une proposition qui ne touchera pas tous les joueurs, mais elle a le mérite d’exister. Au prix proposé à la date de l’écriture de ce test, cela vaut la peine d’élargir sa culture vidéoludique et de se laisser emporter pas la liberté de penser.
LES PLUS
- Une proposition artistique originale…
- Un casse-tête à la difficulté abordable.
- Un concept minimaliste qui peut plaire...
- Une jouabilité basique donc accessible.
LES MOINS
- ...si l’on veut bien faire l’effort de la comprendre.
- ...ou pas.
- Des graphismes trop simplistes pour certains.
- Une durée de vie trop courte.