S’il y a bien un auteur maudit qui a réussi, à titre posthume malheureusement, à inonder le marché grâce à son œuvre, c’est bien H.P. Lovecraft. Cet écrivain qui n’aura connu le succès qu’après son décès en 1937 est pourtant considéré par ses pairs contemporains comme l’un des plus grands auteurs du récit horrifique ayant encore aujourd’hui une influence sur des artistes tels Stephen King, Junji Ito ou Guillermo Del Toro. Le jeu vidéo n’est pas en reste puisque, dès 1992 et Alone in the Dark, des développeurs tentaient de retranscrire l’univers si particulier de Lovecraft. La suite est loin d’être anodine puisque d’autres œuvres majeures comme Quake ou Bloodborne empruntent les thématiques de l’auteur américain. Alors pourquoi un si long laïus sur cet auteur si important ? Et bien tout simplement, car Elderand, le dernier titre des studios Mantra et Synergia Games, arrive sur nos Switch et qu’il tente, lui aussi, d’ajouter sa pierre au mythe de Chtulhu. Et pour savoir si le résultat est à la hauteur de celui de ses aînés, il va falloir aller au bout de ce test…
Ph’nglui mglw’nafh Chtulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn !
Sans avoir l’impudence de résumer une œuvre telle que celle de H.P. Lovecraft en quelques lignes, disons que l’univers de celui-ci est loin d’être anthropomorphe. Nous ne sommes qu’un grain de sable qui côtoie des êtres bien plus anciens et puissants que nous. Ainsi des cultes occultes vénérant ces êtres tels Dagon, Shub-Niggurath ou Nyarlothotep, se sont mis en place à travers les mondes. Ceux-ci restent bien évidemment cachés et ils font la part belle aux sacrifices humains, ce qui explique sûrement le caractère secret.
Dans Elderand, nous incarnons un mercenaire qui vient d’être recruté par le haut prêtre Ssiroth pour se rendre sur l’île d’Elderand. Dans quel but, nous n’en savons rien et nous n’allons pas vraiment avoir le temps de l’apprendre puisque le vaisseau qui nous transporté a soudain été pris dans une tempête avant de s’échouer, brisé, sur les côtes de l’île. Étant le héros de cette histoire, nous en sortons forcément vivants et c’est ainsi que commence notre périple. Nous allons devoir partir explorer les moindres recoins de cette île pour comprendre ce qui s’y passe.
La construction du titre de Synergia Games rappelle de suite des titres tel Metroid ou Castlevania. Nous sommes libres de nous promener dans des environnements en deux dimensions et seule l’absence d’une capacité spécifique nous empêche d’aller aussi loin que nous le voulons. Durant notre voyage, des bribes de récit nous sont données sous différentes formes. Il y a tout d’abord les rencontres avec les habitants de l’île, mais il y a aussi de nombreux écrits trouvés près des cadavres des anciens explorateurs.
Cette construction rappelle fortement celle mise en lumière par Dark Souls. Comme pour celui-ci, notre compréhension du monde qui nous entoure va forcément dépendre de notre implication. Le sentiment de liberté et d’exploration qui est mis en place par un tel système est très agréable. Nous n’avons jamais l’impression d’être pris par la main et il est rare de savoir exactement dans quelle direction nous devons nous diriger. Il est toutefois assez rare de se retrouver à l’exact opposé de là où l’histoire nous attend.
Simon Belmont, es-tu là ?
Pour avancer et découvrir les coins et recoins de cette île, notre personnage dispose de quelques capacités de base. Il acquerra très rapidement deux armes de base, une épée et un bâton de magie, qu’il pourra ainsi, tout au long de son périple, permuter d’un simple appui sur la touche X, mais hommage à Castlevania oblige, nous aurons aussi à notre disposition des armes supplémentaires, tels des couteaux ou des haches, que nous lancerons en maintenant le stick vers le haut et en appuyant sur le bouton d’attaque. Très vite, notre équipement se verra agrémenté d’une côte de maille, d’un bouclier, équipable uniquement avec une arme à une main, de différents anneaux ainsi que de différentes potions.
Nous pourrons aussi récupérer, sous forme d’achats ou de loots, de nouvelles armes tels les doubles lames, la hache ou l’arc. Chacune de ces armes peut avoir des effets supplémentaires comme la brûlure ou la récupération de mana. Les possibilités de build sont importantes et chaque joueur pourra y trouver son compte. Et cela d’autant plus que, dès le départ, il est possible de modifier l’aspect de notre héros.
Les combats auxquels nous devons faire face exploitent toujours les différentes caractéristiques de nos armes. Les ennemis sont toujours capables de se déplacer rapidement vers nous et un nombre important d’entre eux dispose d’attaques au corps à corps, mais aussi de sorts à distance. Il en résulte une tension palpable à chaque fois que nous nous éloignons un tant soit peu d’un point de sauvegarde. Pour faciliter notre progression, chaque monstre que nous allons occire nous apportera une petite quantité d’expérience qui nous permettra, à terme, de remplir une jauge et de passer au niveau supérieur.
Nos compétences de bases augmenteront ainsi peu à peu et, là encore, la liberté qui nous est laissée pour personnaliser notre avatar est totale. Chaque gain de niveau s’accompagne d’un point de capacité supplémentaire à répartir dans l’une des quatre catégories disponibles. Allons-nous privilégier l’attaque physique, les dégâts magiques, la jauge de vie ou les coups critiques, le choix est nôtre. Pour encore plus développer ce système, il est possible d’équiper des armures et des anneaux qui possèdent des modificateurs de statistiques.
Mais ce système ne s’arrête pas là puisque nous avons aussi la possibilité de rendre une visite au forgeron, après lui avoir rendu son marteau égaré, pour que celui-ci améliore notre matériel contre des matériaux acquis en explorant l’île ou en nous débarrassant des monstres qui la peuplent. L’ensemble de ces mécaniques de jeu font d’Elderand un modèle du Metroidvania qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les maîtres du genre.
Dans sa demeure de R’lyeh la morte, Chtulhu rêve et attend
Maintenant que nous sommes rassurés par la narration et les mécaniques de jeu, il reste à Elderand à passer l’épreuve du feu que représente la technique. Commençons par évoquer la prise en main. L’ensemble des actions que nous pouvons effectuer est parfaitement optimisé. Que ce soit pour un dash, pour un double saut, pour le changement d’arme à la volée, pour l’utilisation du grappin ou pour les actions plus classiques de déplacement et d’attaque, à aucun moment nous n’avons à nous faire des nœuds avec les doigts. Bref, une prise en main impeccable qui ne vient jamais gâcher un gameplay qui demande de prendre en compte le temps d’action de chaque coup et qui n’accepte aucun cancel.
Le soin apporté aux graphismes est lui de premier ordre. Dans un style en pixel art, les développeurs brésiliens de Mantra et Synergia Games ont réussi à mettre en place des décors très détaillés qui savent se renouveler à travers les différents biomes que nous allons devoir explorer. Chaque tableau est vaste, aussi bien en hauteur qu’en largeur et chacun possède sa propre identité. Mais ce qui vient flatter la rétine c’est d’abord le travail effectué sur les multiples plans qui se superposent et qui donne une impression de profondeur très agréable.
Les sprites des différents protagonistes de cette histoire ne sont pas en reste. Les différents et nombreux ennemis présents sont tous parfaitement identifiables et chacun possède un visuel bien différent de son prochain. Leurs animations ne souffrent d’aucun souci et l’ensemble des petits mouvements qui nous permettent de prévoir leurs attaques sont parfaitement réalisés.
Le level design est extrêmement bien pensé, les points de sauvegarde sont régulièrement espacés et les raccourcis que nous débloquons nous évitent des allers-retours pénibles. Le soin apporté à la bande-son est tout aussi probant : le thème principal de chaque zone est suffisamment agréable pour ne pas ternir notre expérience de jeu durant les phases d’exploration et les changements de rythme apporté par les combats de boss sont toujours parfaitement maîtrisés.
Terminons toutefois en évoquant deux petits défauts de notre version de test, qui nous l’espérons, seront patchés au moment de la sortie. Il y a tout d’abord des problèmes d’affichage de texte lorsque le dialogue comporte trop de lignes. Les dernières ne s’affichent pas ou ne se déroulent pas, nous faisant rater la fin de la discussion. Enfin, à de rares moments, notamment lors des phases proches de chutes d’eau, de petits lags sont apparus. Ces moments sont rares et ils n’ont jamais gâché notre partie, mais ils sont tout de même visibles.
Conclusion
Elderand, des développeurs brésiliens de chez Synergia Games, est un Metroidvania de grande qualité qui utilise intelligemment les codes narratifs de l’univers de H.P. Lovecraft. Avec son histoire qui se découvre petit à petit, ses graphismes réussis, sa bande-son prenante et ses mécaniques de jeu ultra complètes, il n’a absolument rien à envier aux ténors du genre. Il ne lui reste qu’à résoudre les petits bugs de texte tout en stabilisant son framerate dans les zones chargées en détail et le tout avant sa sortie, pour entrer directement dans le club des musts-have de nos Nintendo Switch. Une excellente expérience pour les fans de Samus ou de Simon Belmont.
LES PLUS
- Les graphismes en pixel-art réussis et détaillés
- Une bande-son prenante qui sait se renouveler
- Un gameplay ultra complet en termes de mécaniques
- La personnalisation de notre personnage est très intéressante
- La prise en main est impeccable et très complète
- Le level design est toujours très bien pensé
- La narration est suffisamment énigmatique pour nous tenir accrochés
- La durée de vie d’une dizaine d’heures est correcte compte tenu du prix de lancement
- Les codes de l’univers Lovecraftien sont bien assimilés sans être forcés
- La difficulté est croissante nous laissant le temps de progresser
- Tout en français
LES MOINS
- Quelques textes ne s’affichent pas complètement
- De très rares moments de décrochage de framerate