1988, François Mitterrand vient d’être réélu à la présidence de la République française, les jeans délavés et les coiffures brosses ou brushing proéminents sont à la mode, on peut découvrir des films comme Die Hard – Piège de cristal ou Qui veut la peau de Roger Rabbit au cinéma, la chanson Paradise City des Guns N’ Roses passe à la radio, et Sega sort sa Mega Drive. Et pendant ce temps-là, sur des machines à l’aube du déclin comme l’Amiga, l’Amstrad CPC, l’Atari ST, le Commodore 64 ou le ZX Spectrum, sort le jeu de plateforme / action Beyond the Ice Palace, développé par Elite Systems. Loin d’être un classique mais avec un bon accueil à l’époque, c’est plus de 35 ans après qu’une suite est développée par STORYBIRD Studio et éditée par PQube et PixelHeart.
La vengeance est un plat qui se mange sans sauce !
Tout d’abord un petit peu de contexte : il y a fort longtemps, les dieux élurent un champion en décochant une flèche sacrée depuis les cieux. Cette flèche transperça le nouveau héros en lui transmettant les pouvoirs nécessaires pour terrasser la sorcière démoniaque, tapie dans son palais de glace. Ça, c’est ce que raconte le premier Beyond The Ice Palace. Sa suite prend place directement après ces événements.
Le mal du royaume anéanti, le héros devint une légende et fut proclamé Roi, aimé et adoré par tous ses sujets et les habitants du royaume. Chaque année, les dieux tiraient une nouvelle flèche sacrée pour élire un nouveau champion, et elle transperçait toujours le roi. Mais un jour, des entités inconnues réussirent à s’emparer des flèches sacrées, au sein même des cieux. L’une de ces flèches fut maudite et décochée en direction du Roi. Cette fois, le héros fut maudit et ses pouvoirs réduits à néant lorsque la flèche le transperça. Laissé pour mort, le royaume ne fut plus protégé par son souverain, et les entités démoniaques purent envahir et corrompre le royaume.
Vous incarnez dans ce jeu le fameux Roi Maudit et vous devrez sortir des abysses de la mort pour récupérer votre trône, en traversant plusieurs décors qui étaient autrefois votre beau et prospère royaume, mais qui sont maintenant dans un état de destruction et de souffrance. Vous partirez à la recherche des fragments éparpillés des flèches célestes, afin de les combiner pour purger votre malédiction et retrouver votre véritable pouvoir.
Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’une balade au pays de Candy, mais bien d’un voyage dans un univers Dark-Fantasy aux accents gothiques, non sans rappeler une certaine licence de chez Konami. Là où le premier Beyond The Ice Palace était un jeu court de 3 niveaux tout en verticalité, rappelant la nervosité et le gameplay de Ghosts ‘n Goblins, le deuxième épisode, quant à lui, est résolument tourné vers Castlevania, notamment un mix entre Super Castlevania IV et Castlevania: Vampire’s Kiss, avec des niveaux bien plus variés et tout en horizontalité.
Dès la scène d’ouverture où le Roi Maudit est enchaîné devant des statues monstrueuses, on sent le poids d’un monde qui s’est effondré en son absence. Chaque paysage ruiné raconte l’histoire d’un royaume qui s’est écroulé sans son protecteur, et il est plaisant de voir ce que sont devenus les anciens pages du roi, alliés ou ennemis corrompus. De manière générale, le monde est vraiment plaisant à parcourir, à l’exception de certains environnements (souvent extérieurs), tels que les marécages — le pire à notre sens — pas très jolis visuellement, sans saveur dans le game design et avec des textures de certains éléments de décor franchement discutables par rapport au reste du jeu (les champignons sont atrocement laids). Mais sinon, nous avons droit à un titre assez joli dans son pixel-art 2D et très travaillé dans son esthétique et son ambiance.
Nous allons également aborder tout de suite la bande-son, qui se révèle être une excellente surprise. Même si, avec un peu de recul, les thèmes ne sont pas toujours marquants, l’orchestration et la présence de chœurs sur certaines musiques viennent à la fois appuyer l’ambiance globale du titre, et ajouter une mélancolie et une certaine ampleur au jeu.
C’est un Metroidvania ou pas ?
N’en déplaise à beaucoup qui hurleront très certainement au scandale en lisant ces lignes, mais, NON, Beyond The Ice Palace 2, n’est pas un Metroidvania. Pour les néophytes ou les curieux, la définition du terme Metroidvania est en lien (page Wikipédia). Même si le jeu dispose d’une carte du monde, elle n’est là que pour agrémenter et imager au mieux l’univers en place, vous pouvez certes vous téléporter à certains endroits pour gagner du temps, ou si vous souhaitez revisiter des lieux, mais les mondes ne sont pas interconnectés comme on pourrait le retrouver dans un Metroid ou un Castlevania. De plus le titre est à 95% linéaire, rares sont les coffres que vous ne pourrez pas ouvrir tout de suite par manque d’un pouvoir. Il y a bien des secrets (zones ou cachettes) à débloquer çà et là, mais avec un peu de finesse, vous pouvez les débusquer et en profiter tout de suite sans avoir à faire du backtracking en milieu ou fin de jeu.
Côté gameplay, vous semblerez en terrain connu. Le héros se servira d’une de ses chaînes brisées pour avancer et fracasser le crâne des ennemis sur son passage. Ce qui n’est pas sans rappeler le gameplay des Castlevania. Elle sera précieuse, car c’est un tout-en-un : elle vous permet de combattre, d’éviter des projectiles en effectuant des rotations de chaîne en pressant une touche, elle permet également d’ouvrir des portes ou des coffres, d’activer des leviers, et même de vous balancer en vous accrochant à des anneaux. Dans le jeu, vous pourrez débloquer des pouvoirs au gré de votre avancée, et avoir accès, par exemple, à un double saut ou équivalent (grâce à une paire d’ailes démoniaques). Vous pouvez collecter des items d’aide au combat, pour éviter de mourir sous les coups des adversaires et avoir droit à un second souffle. Et vous aurez aussi des cristaux à récupérer et à assembler pour pouvoir améliorer les statistiques (vie, force, endurance, …) de votre héros, ce qui ne sera pas du luxe. Et pour finir, une jauge de rage est disponible pour vous permettre de rentrer en transe et venir à bout plus facilement des adversaires les plus retors.
Maintenant que l’ensemble des bases est posé, il faut aborder ce qui cloche dans le titre. Le jeu n’est pas dur, sa difficulté de base est plutôt équilibrée, les ennemis de base ne posent pas de problème majeur, et les demi-boss et boss ont des paternes à connaître. Une fois ces paternes analysés, la difficulté apparente laisse place à une difficulté maîtrisée. Ce qui rend le jeu difficile, c’est sa maniabilité parfois exécrable, et ses hitboxes douteuses.
Tout d’abord, votre personnage est lent. Il est pourtant très bien animé dans les sauts (avec un léger flottement tout de même) et les combats, mais rien que de le regarder se déplacer, on voit tout de suite qu’il y a un souci. Les pas ne sont pas alignés avec le défilement de l’écran, et bon sang, mais qu’il est lent ! Ce qui fait le charme des meilleurs jeux d’action-plateforme, c’est en général le dynamisme et la nervosité. Beyond The Ice Palace 2 emprunte plusieurs éléments de Castlevania, mais malheureusement, plus des anciens très rigides, que du merveilleux Symphony of the Night.
Au-delà de l’impression de lenteur, il y a une certaine lourdeur qui rend quelques mouvements très compliqués, notamment l’accrochage aux boucles pour se balancer avec la chaîne, ou se déplacer de boucle en boucle au-dessus d’un fossé. Le personnage aura aussi parfois du mal à s’accrocher au rebord des plateformes, tout comme il aura du mal à monter ou descendre un escalier. Si un ennemi se trouve sur une plateforme et que vous êtes en contrebas, vous pourrez le toucher avec votre chaîne par en dessous, mais si vous êtes en diagonale, alors parfois votre arme n’aura aucun effet sur l’adversaire. Et si vous êtes sur une plateforme à côté d’un ennemi et qu’il vous porte un coup, vous amorcerez alors un mouvement de recul vous faisant tomber de la plateforme, entraînant parfois la mort.
Il s’agit là d’un échantillon des choses désagréables et frustrantes qui viennent rendre le jeu plus dur, et parfois même entraîner une mort injuste. Vous n’avez pas la possibilité de bouger la caméra pour jeter un œil à ce qui se trame en dessous de vous, et un saut entre deux plateformes sera parfois au petit bonheur la chance. Quant aux objets de soin, il est dommage de constater l’impossibilité d’en stocker pour un moment où on en aurait besoin. Les checkpoints, quant à eux, sont relativement fréquents et bien répartis, sauf dans quelques niveaux où ils seront plus éloignés, augmentant ainsi la frustration en cas de perte de vie, et celle de devoir tout retraverser.
Beyond the Ice Palace 2 sort le 11 mars 2025 sur l’eShop de la Nintendo Switch au prix de 19,99 euros, en français, et une édition physique est aussi annoncée au prix de 29,99 euros.
Conclusion
Beyond The Ice Palace 2 est une suite que personne n’attendait, mais 35 ans plus tard, la glace est brisée pour réapparaître sous un nouveau jour. Par moments, on dirait que le jeu n’a jamais quitté les années 80, avec la rigidité cadavérique des contrôles et un héros qui se traîne comme s'il était embourbé dans la neige. Mais le titre possède bel et bien un charme grâce à son esthétique gothique, et son univers qui se dévoile peu à peu au travers de quelques dialogues avec les derniers survivants du royaume. Les niveaux auraient gagné à exploiter un peu plus la verticalité, mais chaque coffre ou pièce secrète vient gratifier le joueur et le pousser dans son exploration. Les mécaniques de combat sont simples mais bien huilées, et on a toujours envie de poursuivre l’amélioration de son personnage en avançant dans le jeu. Les musiques sont très bonnes et collent parfaitement à l’univers, pas de thème qui marquera une génération entière de joueurs, mais les compositions sont bien orchestrées et viennent agrémenter l’univers.
LES PLUS
- L’histoire qui prend la suite directe du premier épisode
- Découvrir l’univers au fil des dialogues en jeu
- Un pixel art 2D très soigné dans l’ensemble…
- Les mécaniques de combat simples mais bien rodées
- Les musiques sont vraiment dans le thème
- Une suite que personne n’attendait 35 ans plus tard, c’est cool
LES MOINS
- … Mais avec des éléments de décors parfois très grossiers ou moches
- La lenteur du héros
- La rigidité et la lourdeur des contrôles
- Quelques problèmes de hitbox