À une époque où la narration vidéoludique se fait de plus en plus introspective, Recall: Empty Wishes s’inscrit dans la lignée des expériences sensibles et psychologiquement chargées, à la croisée des chemins entre To the Moon, Omori et What Remains of Edith Finch. Développé par le studio SOMI, déjà reconnu pour son travail sur Replica, ce nouveau titre indépendant brille par sa capacité à allier émotion brute, mécanique originale et propos percutant. Sur Nintendo Switch, l’expérience se révèle aussi fluide que poignante.
Une disparition, une sœur, des souvenirs fragmentés
Au cœur de Recall: Empty Wishes, on suit Qin, une jeune fille confrontée à la disparition inexpliquée de son frère Tian. Munie d’un dispositif expérimental, elle va pouvoir littéralement plonger dans les souvenirs d’autrui afin de remonter le fil des événements. Ces fragments de mémoire, parfois altérés, parfois déformés par les émotions, forment la trame d’un récit en forme de puzzle mental.
Mais loin de se contenter d’un mystère à résoudre, le jeu explore des thématiques lourdes : traumatismes familiaux, maltraitance, dépression, solitude, pression scolaire et rejet identitaire. Des sujets difficiles, traités avec sobriété et justesse, qui donnent à l’intrigue une épaisseur émotionnelle rare.
Le cœur du gameplay repose sur une idée forte : corriger ou interpréter des souvenirs déformés. En confrontant différentes strates mémorielles – parfois contradictoires –, Qin doit comprendre ce qui s’est réellement passé. Ce mécanisme donne naissance à des énigmes narratives intelligentes, où la logique émotionnelle prime sur la complexité mécanique.
Ce procédé invite à l’introspection tout en impliquant activement le joueur, qui ne se contente pas de lire une histoire mais la reconstruit, morceau par morceau. Le jeu évite ainsi l’écueil du visual novel passif pour proposer une expérience interactive et engagée.
Du minimalisme au service de l’émotion
Visuellement, le jeu mise sur un pixel art en 2D, modeste mais expressif. Les environnements épurés contrastent avec l’intensité dramatique du récit, tandis que l’usage des couleurs – entre souvenirs délavés, flashbacks monochromes et scènes de tension en rouge saturé – participe pleinement à l’ambiance.
La bande-son, discrète mais toujours pertinente, renforce l’immersion avec des compositions mélancoliques et des silences pesants. Le sound design exploite les effets d’écho et de distorsion pour accentuer la confusion émotionnelle des souvenirs.
Comptez 5 à 7 heures pour achever l’aventure, selon votre curiosité et votre sens de l’observation. Le jeu propose plusieurs fins, déterminées par les choix effectués lors de l’analyse des souvenirs, ce qui encourage la rejouabilité.
On note néanmoins un bémol d’accessibilité, lié à l’absence de traduction française : les dialogues, riches en sous-entendus et parfois soutenus, peuvent rebuter les joueurs non anglophones.
Sur Nintendo Switch, Recall: Empty Wishes bénéficie d’un portage solide. L’expérience se révèle fluide, avec des temps de chargement rapides et une interface parfaitement adaptée à la manette. Le titre se prête idéalement au jeu nomade, tant son format court et sa nature introspective conviennent aux sessions de jeu portables.
Recall: Empty Wishes est disponible sur l’eShop au prix de quinze euros.
Conclusion
Recall: Empty Wishes ne cherche pas à plaire à tout le monde. C’est un jeu lent, introspectif, parfois dur. Mais pour ceux qui acceptent de plonger dans la noirceur de souvenirs douloureux, il offre une expérience émotionnelle mémorable, servie par une mécanique originale et une narration sans fausse note. Il rejoint sans conteste le cercle restreint des jeux indépendants qui marquent profondément, bien au-delà de leur modeste envergure technique.
LES PLUS
- Un récit bouleversant, nuancé et évitant les clichés
- Personnages attachants, bien écrits et complexes
- Pixel art raffiné et ambiances réussies
- Thématiques fortes : deuil, culpabilité, pression sociale
- Plusieurs perspectives et fins alternatives
LES MOINS
- Phases d’infiltration maladroites et inutiles
- Quelques énigmes occasionnant des allers-retours pénibles
- Linéarité assumée mais limitant parfois l’immersion ludique
- Objectifs parfois peu clairs
- Uniquement en anglais