Dans un monde vidéoludique saturé de titres bruyants, explosifs et visuellement tape-à-l’œil, The Operator fait figure d’OVNI. Proposé par Bureau 81, un studio indépendant français, ce jeu narratif point-and-click se veut une expérience immersive et réaliste, centrée sur l’investigation numérique. Sorte de croisement entre X-Files le jeu, Her Story et Orwell, il nous place dans la peau d’un opérateur travaillant pour une agence fédérale d’investigation. Pas d’action frénétique ici, mais des écrans, des bases de données et des vidéos. Alors, voyons si la vérité est bien ailleurs !
L’homme de l’ombre
Vous incarnez Evan Tanner, fraîchement recruté au FDI (Federal Department of Intelligence), une agence gouvernementale fictive chargée d’enquêter sur des menaces internes. Votre rôle est d’aider les agents sur le terrain dans leurs investigations, en recoupant un maximum d’informations et en analysant un maximum d’éléments. Dès votre premier jour, vous êtes plongé dans une série de dossiers sensibles mêlant terrorisme, manipulations politiques, crimes technologiques et autres affaires troubles. Mais rapidement, un nom revient avec insistance : HAL, un mystérieux hacker qui semble connaître chaque recoin du système et qui vient vous demander un coup de main. Mais faut-il lui faire confiance ?
L’histoire, en apparence simple, se densifie au fil des missions. L’ambiance paranoïaque rappelle les grandes heures de X-Files ou Mr. Robot. La grande force du titre réside sans nul doute dans son écriture, qui est pour le moins solide, avec des personnages crédibles et bien campés bien qu’un peu figés (car vus uniquement au travers de vidéos préenregistrées). Les événements prennent un tournant plus personnel dans la seconde moitié du jeu, remettant en question les motivations d’Evan et les méthodes du FDI lui-même.
On regrettera toutefois que les choix de dialogues au cours de l’aventure n’aient qu’un impact mineur sur le déroulement général du jeu. Ils orientent légèrement la narration et sont là pour donner un peu de saveur et d’implication au joueur, mais n’en modifient pas les grandes lignes, malheureusement. Cela aurait pu apporter une bonne rejouabilité au titre, si cela avait été le cas. Aussi, le titre vous laisse sur un cliffhanger, qui apportera satisfaction pour les uns car on peut s’attendre ou espérer une suite, ou une rage incommensurable pour les autres à l’idée de ne pas avoir une clôture nette de l’intrigue. Mais les aficionados de séries Netflix (pour ne citer qu’eux) ne seront pas décontenancés.
Un écran pour seule arme
The Operator repose sur une interface qui simule un environnement bureautique fictif. Dès le début, vous accédez à un bureau virtuel doté de plusieurs outils : boîte mail, base de données de suspects, lecteur vidéo, logiciel de reconnaissance faciale, programme d’étude balistique, journal des appels, etc. Chaque mission consiste à résoudre une affaire en exploitant ces outils, dans un temps limité.
Il faut analyser des vidéos de caméras de surveillance, recouper les noms dans une base de données, écouter des conversations téléphoniques et trouver le bon coupable à signaler. Cela demande de la rigueur, un bon sens de l’observation et surtout un vrai goût pour la logique et les puzzles. Le rythme est lent, mais volontaire : The Operator ne vous tient pas par la main, mais reste cependant accessible. Il vous pousse à devenir un enquêteur méthodique.
En revanche, certaines mécaniques restent sous-exploitées. Par exemple, certains outils comme la carte géographique ou l’historique des connexions sont peu utiles dans la majorité des cas. De plus, l’absence de tutoriel poussé peut dérouter au départ, surtout pour un joueur peu familier avec ce type de jeu. Cependant, pour favoriser l’accessibilité à tous, un petit point d’interrogation est présent, juste à côté de votre objectif, et permet aux joueurs bloqués sur une enquête de contacter leur superviseur afin d’avoir un petit coup de pouce.
Aussi, les énigmes à résoudre imposent régulièrement d’avoir plusieurs logiciels et interfaces ouverts en même temps sur votre écran fictif d’ordinateur, ce qui peut parfois amener un peu de confusion. Vous allez régulièrement vous retrouver à dire : « Demain, je demande au chef du FDI un deuxième écran ! Je ne peux pas travailler dans ces conditions ! »
Une ambiance qui fait beaucoup avec très peu
D’un point de vue visuel, The Operator n’a rien d’un blockbuster. L’interface est sobre, presque austère : des fenêtres, des icônes, des boutons. Pourtant, ce minimalisme est un choix cohérent avec l’univers : on se sent réellement dans un poste de surveillance. Les photos de suspects sont floues, les vidéos sont granuleuses et les mails paraissent authentiques. Il est évident que le petit studio Bureau 81 n’a pas profité d’un budget colossal pour ce titre, mais c’est dans ces conditions qu’on peut reconnaître le génie des développeurs. Ils ont fait un jeu où chaque élément est en cohérence avec l’ambiance proposée, pour un minimum de frais de réalisation. The Operator a été finement étudié et conçu.
Côté audio, les musiques sont discrètes, à peine perceptibles, et renforçant l’immersion dans ce monde froid et administratif. Nous conseillons de profiter du titre avec un casque ou des écouteurs, pour se plonger dans cet univers. Ce sont surtout les effets sonores (bips, notifications, interférences radio) qui créent la tension. Les dialogues vocaux, tout comme l’acting, sont bien interprétés et permettent de renforcer l’implication émotionnelle, et le jeu propose des sous-titres français qui sont également de qualité.
L’ensemble crée une atmosphère feutrée, oppressante, presque clinique, parfaitement adaptée au propos du jeu. Il est cependant dommage que les vidéos ou interactions soient finalement peu nombreuses au fil des heures. Le jeu propose une campagne principale d’environ 3 heures, découpée en plusieurs affaires. C’est court, très court… Mais heureusement, l’intensité de l’expérience et son ambiance compensent en partie cette brièveté. En revanche, la rejouabilité reste limitée, car même si vous refaites le jeu, les missions suivent la même structure et, comme les choix n’ont pas de réel impact sur l’intrigue globale, vous n’aurez alors que peu d’intérêt à parcourir une seconde fois le jeu.
C’est un titre à savourer comme un bon roman : une fois terminé, il laisse une empreinte, mais ne donne pas forcément envie d’être relu immédiatement. Il vous faudra attendre d’en oublier une partie pour avoir envie de relancer le titre.
The Operator est disponible depuis le 22 mai 2025 sur l’eShop au prix de 13,99 euros, en français.
Conclusion
The Operator est une œuvre qui prend le contre-pied des productions modernes en misant sur son atmosphère et son écriture. À travers son apparent minimalisme, il délivre une expérience forte, engageante et actuelle, allant même jusqu’à poser des questions pertinentes sur le rôle de la surveillance et les limites de l’éthique gouvernementale. Ce n’est pas un jeu pour tout le monde : les amateurs d’action ou de graphismes spectaculaires risquent de passer leur chemin. Mais pour vous, fans de récits interactifs, d’enquêtes cérébrales et de concepts narratifs forts, The Operator mérite toute votre attention.
LES PLUS
- Une ambiance immersive à la X-Files
- Un scénario bien construit, intrigant et crédible
- Des mécaniques d’enquête simples et stimulantes
- Un propos mature sur la surveillance et l’éthique
- Une option d’aide pour les joueurs qui ont besoin d’un coup de pouce
- Une interface réaliste qui renforce l'immersion…
- Le cliffhanger qui peut amener une suite…
LES MOINS
- Durée de vie courte (3h environ)
- Rejouabilité quasi inexistante
- Choix narratifs peu influents
- … Mais parfois surchargée ou peu ergonomique
- … Mais qui peut aussi laisser un sentiment d’inachevé