Imaginez-vous assis dans une cabine de contrôle surplombant un vaste réseau ferroviaire. Votre mission : orchestrer la danse minutieuse des convois avec une précision d’horloger. Rail Route, développé par le studio indépendant Bitrich, transpose cette expérience niche mais fascinante sur Nintendo Switch. Ce jeu de simulation minimaliste, initialement lancé en accès anticipé sur PC avant d’arriver sur console, promet de transformer vos rêves de gestion ferroviaire en réalité. Après des heures passées à déjouer les embouteillages de Prague ou à optimiser les lignes de Berlin, voici un bilan exhaustif de cette aventure singulière.
Le charmant défi de l’aiguilleur virtuel
Derrière Rail Route se trouve Bitrich, un studio indépendant qui a su capter l’essence des jeux de gestion de trafic comme Mini Metro ou Freeways, tout en y injectant une identité propre. Leur approche se distingue par un tuto narratif remarquable et une progression savamment dosée, saluée lors de la phase bêta sur Steam. Le portage Switch, bien que fonctionnel, révèle toutefois des limites héritées de sa conception PC.
Le cœur de Rail Route repose sur un concept simple en apparence : concevoir, étendre et automatiser un réseau de trains pour honorer des contrats et maximiser vos revenus. Vous démarrez modestement, contrôlant manuellement des signaux lumineux pour guider quelques convois entre deux gares. Rapidement, le jeu dévoile sa profondeur. L’argent et les points d’expérience gagnés permettent d’acheter des voies supplémentaires, de débloquer des technologies d’automatisation, ou d’améliorer la vitesse des trains (passant de 40 km/h à 120 km/h). Le vrai défi ? Maintenir la fluidité du trafic malgré l’afflux de convois et les contraintes géographiques, comme à Prague où les quatre gares en coin forment un « X » générateur de conflits.
Si Rail Route brille davantage en mode bac à sable, son mode histoire sert de tutoriel immersif grâce à Jozic, un dispatcheur chevronné à la voix apaisante. Ce personnage vous guide avec bienveillance à travers les mécaniques, tout en distillant des anecdotes sur la vie ferroviaire praguoise (« Je détestais les attentes à Holesovice« ). Le récit s’épaissit avec l’arrivée d’un concurrent menaçant, apportant une tension narrative bienvenue lors des premières heures. Prologue inclus gratuitement, cette introduction est une masterclass de design pédagogique.
Entre créativité, crise et automatisation
Le loop est rapidement addictif. Tout commence par la construction : il faut tracer les voies en contournant les obstacles naturels ou urbains, installer les quais, poser les signaux et les capteurs. Ensuite vient la gestion en temps réel. Grâce à un système de « feux » – des boutons permettant d’activer ou désactiver des tronçons – vous guidez manuellement les trains jusqu’à leurs quais respectifs. Il faut éviter les collisions et les retards, tout en pouvant ajuster la vitesse du temps jusqu’à x24, ce qui rend la précision d’autant plus cruciale.
À mesure que le trafic augmente, les limites de la gestion manuelle se font sentir. C’est là que les systèmes d’optimisation et d’automatisation entrent en jeu. Les signaux peuvent gérer automatiquement l’orientation des aiguillages, tandis que les autorisations de passage sont automatisées, supprimant le besoin de cliquer manuellement. La possibilité de revoir les horaires pour décaler certains départs permet d’atténuer les embouteillages, et les tunnels viennent ajouter une dimension tactique supplémentaire en franchissant les barrières naturelles du terrain.
L’économie du jeu repose sur deux types de missions : les contrats réguliers, représentés par des points verts, assurent un revenu stable, tandis que les missions ponctuelles, signalées par des points rouges, sont plus lucratives mais viennent chambouler le bon fonctionnement du réseau. Toute erreur coûte cher, qu’il s’agisse d’un retard ou d’un accident.
Concernant la maniabilité sur Switch, le portage est correct, mais reste perfectible. L’interface, initialement pensée pour la souris, reste utilisable au joystick ou en tactile, mais elle n’est pas idéale. Le zoom et le dézoom, essentiels pour la navigation sur les grandes cartes, fonctionnent, mais manquent d’intuitivité comparé à une molette de souris. La précision laisse parfois à désirer : sélectionner un train ou un signal précis en plein rush demande de la dextérité, surtout à vitesse accélérée. L’absence d’un curseur de type « mode souris », comme celui proposé dans Cities: Skylines, se fait clairement ressentir. Cela dit, le mapping des boutons est ingénieux et l’on s’y habitue assez vite. Néanmoins, l’expérience reste un peu en deçà de la version PC, plus fluide. Un patch ajoutant un véritable curseur – notamment dans l’éventuel mode souris de la Switch 2 – améliorerait considérablement le confort de jeu.
Un réseau (presque) infini
Rail Route se distingue par la richesse de son contenu. La campagne fait office de tutoriel approfondi, proposant une introduction solide qui s’étale sur plusieurs heures. Une fois les bases maîtrisées, plusieurs modes de jeu viennent diversifier l’expérience. Le mode « Heure de Pointe » pousse le joueur à gérer des vagues de trains de plus en plus nombreuses, dans une montée en tension constante. Le mode « Horaire », quant à lui, impose de suivre un emploi du temps strict, dans une approche bien plus punitive. Pour ceux qui préfèrent une expérience plus libre, le mode « Sans Fin » permet de développer son réseau à l’infini, sans contrainte de temps.
Un éditeur de niveaux vient compléter l’offre. Il permet de concevoir ses propres défis ou de recréer des gares réelles, qu’il s’agisse de métropoles célèbres ou de petits arrêts locaux — pourquoi pas la gare de Cholet ? Grâce à cette communauté active et à un design favorisant la rejouabilité, la durée de vie de Rail Route s’annonce excellente.
L’approche visuelle de Rail Route se révèle audacieuse, misant sur une vue zénithale minimaliste inspirée des véritables schémas ferroviaires. Les rails, gares, signaux et trains y sont réduits à leur expression la plus simple, à base de lignes, de points colorés et d’icônes épurées. Ce choix esthétique fonctionne à merveille. La lisibilité est exemplaire : l’état du réseau est immédiatement compréhensible, qu’il s’agisse de savoir si une voie est libre ou occupée, de détecter un retard ou d’anticiper un conflit. Le joueur peut également personnaliser l’affichage à sa convenance, que ce soit par le choix des couleurs, de la langue ou de la vitesse de simulation. Techniquement, l’ensemble est très solide : les chargements sont rapides, la fluidité reste impeccable même sur les cartes les plus denses, et aucun bug n’a été observé. Cette esthétique de type « logiciel de contrôle » renforce l’immersion sans jamais encombrer l’écran d’éléments inutiles.
Du côté sonore, en revanche, le tableau est plus nuancé. La voix de Jozic, à la fois chaleureuse et didactique, constitue un vrai atout, tout comme les bruitages subtils des interfaces, qu’il s’agisse des clics de signal ou des notifications de mission. Cependant, la musique laisse à désirer. Les ambiances planantes, bien qu’agréables dans un premier temps, tournent rapidement en boucle et finissent par se faire oublier au profit d’une playlist personnelle. Certains effets sonores, notamment les alertes en cas de train bloqué ou de collision imminente, se révèlent stridents à la longue. Enfin, pour les passionnés de chemin de fer, l’absence de sons emblématiques comme les sifflets, les moteurs ou les annonces en gare risque de nuire à l’immersion ferroviaire.
Rail Route est disponible sur l’eShop au prix de vingt euros.
Conclusion
Rail Route sur Switch est une pépite exigeante mais gratifiante. Il comble une niche en offrant une simulation d'aiguillage ferroviaire profonde, intelligente et incroyablement addictive. La progression par upgrades, la variété des modes et des cartes, et la liberté créative de l'éditeur sont des atouts majeurs. Le tutoriel avec Jozic est un modèle du genre, et la lisibilité du design minimaliste est une force. Cependant, le portage paie son tribut à l’origine PC : la maniabilité au joystick, bien qu'exploitable, manque de la précision et du confort d’une souris, surtout dans les phases intenses ou sur les grandes cartes. La bande-son, sans être mauvaise, manque de relief.
LES PLUS
- Gameplay profond et addictif avec progression bien dosée
- Durée de vie étendue : modes variés (Heure de Pointe, Horaire, Sans Fin)
- Design minimaliste et lisible, personnalisable
- Stabilité technique : zéro bug, chargements rapides
- Réflexion stratégique exigeante et satisfaisante
LES MOINS
- Maniabilité perfectible (héritée du PC, manque de précision au joystick)
- SFX agaçants (alertes de retard / collision)
- Musique répétitive et ambiance sonore peu immersive
- Courbe de difficulté abrupte dans les modes "Horaire"