Plonger dans l’univers cybernétique de Tron reste une expérience hypnotique, portée par son esthétique au néon et ses architectures chromées. Tron: Catalyst, développé par Bithell Games (Tron: Identity), promet d’étendre ce mythe dans un nouvel opus action-aventure en vue isométrique. Après une douzaine d’heures passées dans l’Arq Grid, voici un petit bilan exhaustif de ce voyage numérique sur Switch.
Course contre la réinitialisation
Après le roman visuel Tron: Identity, Bithell Games opère un virage ambitieux vers l’action. Le studio conserve l’univers cohérent de la grille ARQ mais tente d’y injecter du rythme et de l’interactivité. Un pari risqué, entre hommage aux films (Tron: L’Héritage, Uprising) et volonté d’innovation.
Vous incarnez Exo, un programme livreur happé par une conspiration menaçant de réinitialiser l’Arq Grid. Votre mission : infiltrer les factions rivales (l’autoritaire Core et les rebelles Automata), résoudre des énigmes politiques et exploiter votre « Glitch » – un pouvoir de réinitialisation temporelle – pour sauver le serveur. L’intrigue, bien que riche en personnages charismatiques (dont le fascinant antagoniste Conn), peine à donner un sens urgent à la quête, noyée dans des sous-intrigues sous-exploitées.
Les affrontements reposent sur un mélange de mêlées, de parades, d’esquives et de lancers de disque qui rebondit entre les ennemis. Le système se montre réactif, mais reste simpliste dans son exécution. La parade, une fois améliorée, devient tellement puissante qu’elle transforme les combats en une routine répétitive, même au niveau de difficulté le plus élevé. Le vol de code ennemi, qui permet de capturer les styles de combat des adversaires comme les grenadiers ou les brutes, se révèle anecdotique tant les bases suffisent à vaincre. Le cycle lumineux offre un vrai plaisir en zone ouverte, notamment lorsqu’on peut dérézzer les ennemis avec son sillon lumineux, mais il se montre mal adapté aux ruelles étroites. Le jet lumineux, quant à lui, se limite à une séquence unique qui s’apparente davantage à un mini-jeu gadget qu’à une véritable phase de gameplay.
Le pouvoir de réinitialisation temporelle, qui permet de conserver les connaissances et les clés mais pas les objets, brille sur le papier. Dans les faits, il se cantonne surtout à faire recommencer un chapitre après un échec ou à ouvrir des raccourcis clairement balisés par le scénario. Le jeu offre finalement peu d’occasions de s’en servir pour expérimenter librement ou débloquer des passages secrets, ce qui est regrettable pour une mécanique censée constituer l’identité du titre.
L’arbre de compétences se remplit trop rapidement, même sans prendre le temps d’explorer, ce qui laisse peu de place à de véritables choix stratégiques. Les améliorations proposées, qu’il s’agisse des options pour le lancer de disque ou des modificateurs temporaires, n’ont qu’un impact mineur sur la manière de jouer.
Précision en berne
Les commandes sont globalement réactives, mais la vue isométrique complique souvent le ciblage des ennemis, en particulier lorsqu’ils sont regroupés. Le lancer de disque, pourtant central au gameplay, souffre de collisions imprécises, avec des blocages fréquents dans les couloirs étroits.
Le pathfinding automatisé, qui permet de suivre les marqueurs simplement en maintenant le stick gauche, facilite grandement l’orientation. Cette assistance bien pensée supprime cependant tout véritable besoin d’apprendre ou de mémoriser les environnements.
La gestion de la vitesse et des virages manque de précision, surtout lors des phases de combat. L’absence d’un curseur de type souris, qui aurait pu améliorer la maniabilité (notamment en vue d’une compatibilité Switch 2), se fait ressentir.
Le style graphique du jeu réussit à moderniser l’identité de la série avec des décors épurés aux couleurs saturées qui évoquent tantôt un rose à la Automata, tantôt un bleu plus classique façon Core. Les personnages, avec leurs sprites 2D stylisés, se distinguent bien les uns des autres, et les effets lumineux restent fidèles à l’univers de la licence. Malgré cette direction artistique cohérente, les environnements manquent de détails et de variété : les couloirs gris-bleu se succèdent et donnent au tout un aspect visuel un peu plat sur grand écran.
Les voix off constituent l’une des réussites du jeu, grâce à l’excellent travail des doubleurs, dont Exo et Conn qui parviennent à porter un scénario parfois confus. En revanche, la bande-son représente une des plus grandes déceptions. Loin des performances mémorables de Daft Punk ou Trent Reznor, la trame électro-orchestrale s’avère terne, répétitive et rarement en phase avec les moments de tension. Les bruitages, qu’il s’agisse des disques ou des explosions, se contentent du minimum sans briller, tandis que les sons d’alerte finissent par devenir rapidement irritants.
La campagne principale se boucle en une douzaine d’heures et se termine sur une fin qui laisse volontairement la porte ouverte à un troisième volet. Les quêtes secondaires, bien indiquées, se résument à des combats ou à de la collecte de ressources et deviennent répétitives. La rejouabilité reste limitée : le système de “Glitch” incite peu à expérimenter et les zones traversées ne donnent guère envie d’être revisitées. Enfin, si les fans apprécieront les quelques clins d’œil au précédent Identity, il n’est nullement nécessaire d’y avoir joué pour suivre l’histoire.
Conclusion
Tron: Catalyst séduit par sa fidélité à l’esthétique Tron et son récit ambitieux, mais échoue à concrétiser ses mécaniques prometteuses. Le combat devient vite monotone, le "Glitch" est sous-exploité, et la bande-son oublie l’ADN musical de la licence. Sur Switch, la maniabilité ajoute une couche de frustration.
LES PLUS
- Direction artistique fidèle à la licence
- Doublage et personnages charismatiques (Conn)
- Durée de vie maîtrisée (pas de remplissage)
LES MOINS
- Gameplay trop simpliste (parade OP, Glitch inabouti)
- Bande-son décevante
- Maniabilité perfectible sur Switch
- Environnements peu inspirés