Que vos années lycée soient un lointain souvenir ou que vous soyez encore plongé dans les tumultes de l’adolescence, Until Then vous saisira par son authenticité déchirante. Développé par Polychroma Games, un studio basé aux Philippines, ce visual novel en side-scrolling plonge le joueur dans la vie de Mark Borja, un lycéen de 15 ans dont le quotidien oscillera entre ennui scolaire, amitiés précieuses, premiers émois amoureux et une étrange sensation de déjà-vu qui cache un mystère bien plus profond. Plus qu’un jeu, c’est une immersion poignante dans la culture philippine et un récit initiatique universel sur la perte, la résilience et la quête de sens.
Une adolescence universelle
Polychroma Games, studio derrière cette œuvre, puise clairement dans son environnement et son héritage culturel pour façonner Until Then. Basé aux Philippines, il offre une représentation rare et précieuse de ce pays d’Asie du Sud-Est dans le paysage vidéoludique. Leur travail va bien au-delà du simple décor : il s’agit d’un hommage vibrant, rempli de détails soignés et d’une sincérité palpable, qui confère au jeu une épaisseur et une crédibilité immédiates. C’est une fenêtre ouverte sur une culture riche, présentée avec amour et précision.
L’histoire suit Mark, lycéen typiquement fainéant, vivant seul aux Philippines tandis que ses parents travaillent à l’étranger (des OFW – Overseas Filipino Workers). Son quotidien est rythmé par les projets de groupe bâclés à la dernière minute, les exposés maladroits, les parties de jeux vidéo et les discussions sans fin avec son groupe d’amis aussi attachants que variés : Cath, son amie excentrique et ouvertement queer au tempérament bien trempé ; Ridel ; Louise, la studieuse sérieuse ; et Ryan, le sportif au grand cœur. L’arrivée de Nicole, une nouvelle élève, va bousculer sa routine et donner naissance à une romance adolescente pleine de « kilig » (ce pincement au cœur typiquement philippin lié à l’excitation romantique).
Le récit, divisé en cinq chapitres, excelle dans sa peinture des relations humaines. Les dialogues, qu’ils soient en face à face ou via des échanges de textos et d’e-mails (où le joueur choisit parfois les réponses), sonnent juste. L’amitié entre Mark et Cath est particulièrement touchante par sa complexité et sa nuance. Chaque personnage, même secondaire, possède une épaisseur psychologique, des rêves, des peurs et un parcours qui le rendent réel et digne d’intérêt. On rit de leurs réparties, on compatit à leurs peines, on s’attache profondément.
Cependant, sous cette surface « slice of life » se cache un mystère plus sombre. Des événements surnaturels rôdent, liés à un désastre naturel majeur survenu peu avant le début du jeu, appelé « The Ruling ». Le gouvernement tente d’en minimiser l’impact, mais la réalité, vue dans les hôpitaux surpeuplés ou entendue dans les conversations étouffées, est bien plus terrible : disparitions, bilan humain en hausse, peur omniprésente. Parallèlement, Mark est en proie à des épisodes de déjà-vu de plus en plus intenses et perturbants, déformant la réalité autour de lui. Ces flashs, initialement déroutants, deviennent le moteur d’une intrigue mystérieuse où mémoire et destin s’entremêlent, culminant dans un final émotionnellement dévastateur et des révélations surprenantes qui justifient pleinement une deuxième partie de jeu (fortement recommandée, voire nécessaire).
Un aventure narrative parsemée de mini-jeux
Until Then est avant tout un visual novel. Son gameplay repose principalement sur :
- La lecture : Beaucoup de dialogues et de textes (messages, articles de journaux, posts sur le réseau social « Facenook »).
- Les choix de dialogue : En face-à-face, par SMS ou mail. Bien que l’histoire reste globalement linéaire, ces choix influencent les réactions immédiates des personnages et quelques scènes mineures, ajoutant une touche de personnalisation.
- L’exploration : Déplacer Mark en 2.5D dans des environnements riches (rue, école, centre commercial, maison) pour interagir avec des éléments (affiches, piano, objets).
- L’utilisation du smartphone : Consulter « Facenook », liker, commenter, partager des posts (une mécanique sympathique mais qui s’essouffle un peu en cours de jeu), lire des articles sur l’actualité du monde (notamment concernant les conséquences de The Ruling).
- Les mini-jeux : Ponctuant l’aventure, ils sont variés mais simples : rythme (pratique du piano), whack-a-mole, fléchettes, lancer de pièces, éclatement de ballons, pêche aux boules de poisson (« fish balls »), karaoké/rythme. Leur difficulté et votre performance n’ont pas d’impact majeur sur l’intrigue principale, ce qui les rend accessibles et sans pression.
La maniabilité sur Switch est intuitive et adaptée au genre. Se déplacer et interagir se fait naturellement. Le seul point faible notable est le manque de certaines fonctionnalités classiques du genre : pas d’historique des conversations, pas de sauvegarde manuelle (le jeu sauvegarde automatiquement seulement à la fin de chaque scène, qui peut durer 10-15 minutes), pas de lecture automatique du texte. Une absence qui peut frustrer, surtout en cas de crash (rare mais possible) ou pour les joueurs habitués à ces QoL.
Une symphonie pour les yeux et les oreilles
C’est sur le plan visuel qu’Until Then impressionne véritablement. Le pixel art atteint ici un niveau de détail remarquable, dépeignant avec un soin minutieux les environnements du quotidien philippin : les rues grouillantes de vie, les écoles typiques, les maisons modestes mais chaleureuses. Chaque élément témoigne d’une attention sincère à la culture locale — des balikbayan boxes entassées dans un coin aux enseignes aux noms détournés comme « Angryme » ou « Timedome », en passant par les jeepneys, tricycles, plats traditionnels (adobo, menudo, sisig) ou encore les grandes cuillères et fourchettes en bois accrochées au mur. Même les portraits de figures historiques comme José Rizal ou Andres Bonifacio dans les salles de classe ajoutent à cette authenticité. On sent un profond attachement du studio à son pays d’origine, qui transpire de chaque recoin de l’écran.
Les animations ne sont pas en reste : les gros plans sur les visages sont bluffants de précision. Chaque émotion — joie, tristesse, frustration, stupeur — est rendue avec une finesse rare dans le registre du pixel art. Les inspirations venues de l’anime se manifestent par de subtiles exagérations lors des moments comiques ou intenses, donnant un rythme très vivant à la narration.
Enfin, l’ambiance sonore vient sublimer l’ensemble. La bande originale, oscillant entre mélodies mélancoliques et thèmes plus doux, épouse parfaitement les variations émotionnelles du récit. Elle sait s’effacer quand il le faut, notamment pour laisser place aux dialogues, mais revient avec force dans les instants clés. Les bruitages d’ambiance — brouhaha de la rue, ronronnement d’un générateur, murmures d’une classe ou silence feutré d’un hôpital — renforcent encore davantage l’immersion.
Until Then dure entre 8 et 15 heures, selon votre rythme de lecture et votre implication dans l’exploration et les mini-jeux. Le jeu encourage fortement, voire nécessite, une deuxième partie. Cette seconde passe n’est pas une simple répétition : elle apporte un éclairage nouveau, une profondeur supplémentaire à l’histoire et aux personnages, et des révélations cruciales qui changent la perception des événements du premier jeu. Cette structure narrative intelligente justifie pleinement le temps investi et offre une rejouabilité significative et enrichissante.
Conclusion
Until Then est une expérience émotionnellement puissante et culturellement enrichissante. Polychroma Games signe un visual novel d’une maturité remarquable, qui parvient à marier avec brio le quotidien universel et souvent drôle de l’adolescence avec un mystère surnaturel angoissant et une critique sociale subtile mais percutante (gestion post-catastrophe, corruption, poids des OFW sur les familles). Sa plus grande force réside dans son casting de personnages profondément attachants et ses relations humaines dépeintes avec une rare justesse. Si le rythme parfois lent (surtout dans les premiers chapitres) et l’absence de certaines fonctionnalités techniques (sauvegarde manuelle, historique) peuvent être des freins pour certains, ils sont largement compensés par la beauté de son pixel art, la richesse de son écriture, la force de son récit et l’authenticité bouleversante de sa représentation culturelle philippine. Les références à la pop culture locale (TV, musique comme Eraserheads, memes, politique) sont un régal pour les initiés et une fenêtre fascinante pour les autres. "Until Then" sur Nintendo Switchest plus qu’un jeu, c’est un voyage. Un voyage au cœur de l’adolescence, de l’amitié et de l’amour, teinté de mystère et ancré dans la vibrante réalité philippine. Il vous fera sourire, réfléchir, et très probablement verser une larme. C’est une œuvre touchante, mémorable, et une démonstration éclatante du talent narratif de Polychroma Games. Un incontournable pour les amateurs d’histoires profondes et de cultures représentées avec amour et respect.
LES PLUS
- Représentation culturelle authentique
- Personnages attachants et bien écrits
- Thèmes universels (amitié, deuil, résilience) traités avec nuance
- Pixel art exceptionnel
- Rejouabilité significative
- Mécaniques d'interaction variées
LES MOINS
- Début lent
- Mini-jeux basiques
- Pas de sauvegarde manuelle, pas d'historique des dialogues, pas d'autoplay
- UI minimaliste
- Dialogues parfois "trop occidentaux"
J’ai beaucoup aimé la première heure de jeu. C’est vraiment beau, bien écrit et j’ai hâte de découvrir la suite. Ce que je ferais volontiers lorsqu’un patch correctif fera son arrivée pour la switch 2 car le jeu pourtant déclaré comme compatible a apparemment tendance à crasher sur cette plate-forme sans possibilité de relancer la partie (à moins que ça soit sur une switch première du nom.)
Ça m’est arrivé durant le premier chapitre et après quelques recherches sur reddit il semblerait que je ne sois pas un cas isolé 🙂
J’espère que le soucis sera vite repéré et corrigé !