Dévoilé comme l’un des joyaux du lancement de la Nintendo Switch 2, vu qu’il n’a pas su trouvé son public lors de sa sortie sur d’autres consoles, Kunitsu-Gami: Path of the Goddess est un titre audacieux nous transporte au cœur d’une montagne sacrée japonaise, fusionnant action, stratégie en temps réel et gestion avec une esthétique inspirée du kagura. C’est un mélange singulier évoquant des réminiscences d’Okami pour sa beauté et son folklore, d’Actraiser pour son alternance construction / défense, de Pikmin pour la gestion d’unités, et même d’une pointe de Plants vs. Zombies pour son aspect défense contre des vagues. Mais Kunitsu-Gami transcende ces comparaisons pour offrir une expérience résolument unique.
La renaissance capcomienne dans toute sa splendeur folklorique
Le jeu est l’œuvre de Capcom, un géant japonais de l’industrie connu pour des franchises légendaires comme Resident Evil, Monster Hunter, Street Fighter et Devil May Cry. Après une traversée du désert, le studio a renoué avec le succès grâce à une série de hits principalement basés sur des suites ou des remakes (Resident Evil remakes, Monster Hunter World/Rise, Street Fighter 6). Kunitsu-Gami représente donc une étape cruciale : démontrer que Capcom conserve sa capacité à innover et à créer de nouvelles propriétés intellectuelles captivantes. Le résultat est une démonstration éclatante de son savoir-faire technique et créatif.
Le mont Kafuku, sanctuaire sacré, est submergé par la souillure démoniaque du Seethe. Cette corruption déforme la terre et transforme les villageois en statues sinistres. Vous incarnez Soh, un guerrier spirituel voué à la protection de Yoshiro, la jeune fille divine (Miko) détentrice du pouvoir de purifier cette souillure par des danses rituelles. Suite à une défaite initiale, Soh et Yoshiro doivent remonter la montagne, village après village, pour libérer les habitants, repousser le Seithe et retrouver les masques sacrés volés, clés pour vaincre la menace à sa source. L’histoire est simple, presque minimaliste, racontée principalement par l’ambiance, les expressions des personnages et les documents collectés (plaques détaillant les ennemis en 3D). L’accent est résolument mis sur le gameplay et l’immersion dans ce monde folklorique en péril.
Le gameplay : une danse rituelle entre action et stratégie
Le cœur de Kunitsu-Gami repose sur un cycle jour / nuit ingénieux qui articule habilement stratégie en temps réel, action frénétique et gestion des ressources, le tout au service d’un objectif central : protéger Yoshiro durant sa lente mais cruciale procession de purification vers un Torii sacré.
Pendant la journée, le joueur incarne Soh et s’attelle à plusieurs tâches essentielles. Il faut d’abord explorer la zone, combattre les premières formes de corruption et libérer les villageois piégés, qui constitueront ensuite vos alliés. En éliminant les ennemis ou en détruisant des éléments du décor, Soh collecte des cristaux, une ressource centrale utilisée pour purifier le chemin que devra emprunter Yoshiro. Ce tracé, que le joueur définit lui-même, peut suivre une ligne directe ou contourner des zones plus risquées en suivant des embranchements stratégiques.
Une fois les villageois secourus, il est possible de leur attribuer des rôles en leur assignant un masque : bûcheron pour les combats au corps-à-corps, archer pour les attaques à distance, guérisseur pour les soins, charpentier pour l’activation des pièges et la construction de défenses, et bien d’autres encore. Ce choix de rôles et leur positionnement précis sont des éléments déterminants pour survivre à la nuit. Il est également possible, durant la journée, d’activer des aides disséminées dans le niveau : plantes à cristaux, canons, barrières et autres structures nécessitant souvent la présence d’un charpentier pour fonctionner.
Mais dès que le soleil se couche, le ton change radicalement. Le Seithe attaque sous forme de vagues surgissant de portails maudits disséminés sur la carte. Ces portails empêchent toute élimination prématurée des ennemis à la source, forçant le joueur à défendre efficacement sa position. Yoshiro reste immobile à l’endroit précis où elle se trouvait au crépuscule, ce qui oblige le joueur à gérer la défense en temps réel autour d’elle.
Cette phase nocturne bascule alors dans un mélange grisant d’action et de stratégie. Le joueur contrôle Soh, avec ses combos dynamiques, ses attaques en zone et ses talismans spéciaux, tout en orchestrant la défense avec les villageois. Il peut les déplacer, modifier leurs rôles à la volée, ou regrouper les unités pour concentrer les attaques sur les ennemis les plus menaçants. L’objectif est clair : tenir bon jusqu’à l’aube.
Lorsque Yoshiro parvient finalement au Torii — ce qui peut nécessiter plusieurs cycles jour / nuit selon la complexité du parcours —, une séquence de purification spectaculaire se déclenche. Le joueur y prend part via un mini-jeu d’alignement qui déverrouille une animation saisissante : pluie de pétales, aura sacrée, feux d’artifice… des moments d’une poésie visuelle rare.
Enfin, chaque zone purifiée mène à un combat de boss marquant, souvent basé sur une mécanique originale. Ces affrontements exigent de repérer une faiblesse spécifique du boss (comme l’éclairer avec des lanternes ou le forcer à passer sous un canon) et de coordonner les villageois, en particulier les unités dites « Piqueurs », capables d’affaiblir la barre de résistance du boss. Le joueur alterne alors entre commandement tactique et attaques directes avec Soh, dans une tension constante. Vaincre ces ennemis titanesques permet non seulement de progresser, mais aussi de débloquer de nouveaux masques, élargissant ainsi les options stratégiques pour les prochaines zones.
Kunitsu-Gami réussit donc à fusionner narration spirituelle et gameplay tactique, dans un système cyclique où chaque phase nourrit la suivante, avec une intensité croissante et une profondeur stratégique particulièrement gratifiante.
Fluidité et précision
Contrôler Soh est un plaisir. Ses mouvements sont fluides, ses attaques d’épée ont un poids et un impact satisfaisants, et les enchaînements entre coups de base et danses d’épée (attaques à zone) sont intuitifs. Le saut permet d’accéder à quelques plates-formes. Le dodge (esquive), assigné par défaut au stick cliqué (L3), peut sembler inhabituel mais s’intègre bien dans le flot de l’action grâce au rythme du combat. La gestion des villageois (sélection, assignation de rôle, placement) via les menus contextuels (souvent intégrés à l’environnement du camp de base, comme interagir avec des objets autour de Yoshiro) est rapide et intuitive après une courte prise en main. La caméra, essentielle dans ce jeu à vue large, se manie généralement bien. La version Switch 2 propose des options de contrôle variées.
Le mode Souris présente plusieurs avantages. Il offre une précision accrue pour le placement des unités, comme les villageois ou les pièges, ainsi qu’une navigation fluide dans les menus, qu’il s’agisse de l’inventaire, des améliorations ou des cartes. En phase stratégique, il permet une réactivité optimale, notamment pour la gestion des rôles et les déplacements en groupe. Ce mode constitue aussi un vrai confort pour les joueurs PC habitués au duo clavier / souris.
En revanche, certains inconvénients se font sentir. Le contrôle de Soh en combat y est moins intuitif : ses déplacements et ses esquives manquent de naturel comparés à une utilisation à la manette. La gestion de la caméra peut également se révéler maladroite lors des phases d’action intense. De plus, l’absence de retour haptique prive le joueur de l’immersion offerte par les vibrations des Joy-Con ou d’une manette Pro. Enfin, l’ergonomie en mode portable laisse à désirer, car le mode souris nécessite une surface stable, ce qui le rend peu adapté au jeu nomade.
Un voyage auditif traditionnel
Le design sonore de Kunitsu-Gami constitue l’un des piliers de son immersion et de son impact émotionnel. Les voix sont utilisées avec parcimonie, se limitant à de courtes interjections comme un « OK » lancé par le charpentier lorsqu’on lui assigne une tâche, ou un « Tasukete ! » angoissé de Yoshiro en cas de danger. Ces éléments sonores, disponibles en anglais ou en japonais (ce dernier apportant une authenticité culturelle bien plus marquée), tirent pleinement parti du haut-parleur intégré du Joy-Con ou du contrôleur Pro pour renforcer la tension et la présence des personnages à l’écran.
La bande-son, quant à elle, est d’une richesse remarquable. Composée autour d’instruments traditionnels japonais — percussions, cordes pincées — elle s’adapte dynamiquement à chaque phase de jeu. Elle est douce et apaisante en journée, puis s’assombrit progressivement avec le coucher du soleil, laissant apparaître des sons plus sombres et angoissants à mesure que les entités Seithe s’approchent. Lors des affrontements, la musique gagne en intensité, se tordant parfois de manière dissonante si Yoshiro est en mauvaise posture. Les moments de purification, eux, sont sublimés par des chœurs célestes, offrant des instants d’une puissance sensorielle et émotionnelle rare.
Enfin, les bruitages participent activement à l’immersion. Les impacts des attaques de Soh, les gémissements horribles des monstres Seithe ou encore les sons distinctifs associés aux capacités spéciales et aux purifications sont tous finement travaillés, conférant à chaque action une véritable consistance auditive. Kunitsu-Gami propose ainsi une expérience sonore d’exception, qui accompagne chaque moment de jeu avec une finesse et une précision rares.
Le jeu offre une campagne principale d’une durée respectable (plusieurs heures, avec des missions de 20 à 30 minutes en moyenne). La progression est bien rythmée, introduisant constamment de nouveaux rôles de villageois, de nouveaux types d’ennemis Seithe (visuellement inventifs et souvent grotesques), de nouvelles mécaniques de niveau (ex : niveaux sans attaque directe pour Soh, défense sur radeaux flottants) et des combats de boss variés. Les objectifs optionnels par niveau (ex : terminer sous un temps imparti, casser tous les pots, vaincre un boss en moins d’une minute) et les récompenses de rejouabilité (verre, rations, secrets, plaques d’ennemis) offrent un bon contenu supplémentaire pour les perfectionnistes. La difficulté, bien que rarement punitive (surtout si on entretient bien son village), monte progressivement et les objectifs optionnels apportent le défi recherché.
Lorsque Capcom a révélé Kunitsu-Gami pour la Switch 2, il a précisé que le titre serait accompagné d’une extension Otherworldy Venture. « Otherworldy Venture » est un contenu supplémentaire qui se déroule dans le royaume situé derrière les portes de Torii. Tout en conservant les éléments essentiels du jeu principal, il propose un cycle jour / nuit simplifié et des vagues incessantes d’attaques féroces de la part des Seethe, offrant un mode d’attaque à score élevé pour tester vos compétences !
Un diorama vivant
C’est sur le plan visuel que Kunitsu-Gami impressionne le plus, et la Switch 2 s’en sort remarquablement bien pour restituer cette direction artistique ambitieuse. Capcom a opté pour une technique de numérisation d’éléments réels, donnant naissance à un rendu unique évoquant un diorama vivant. L’attention portée aux détails, que ce soit dans les environnements, les personnages ou même l’interface utilisateur, évoque une esthétique proche de Wes Anderson, transposée dans un folklore japonais revisité. La transition visuelle entre la corruption organique et visqueuse des entités Seithe et la pureté lumineuse restaurée par Yoshiro est particulièrement marquante.
La direction artistique renforce cette singularité avec des couleurs éclatantes, des ennemis au design à la fois horrifique et fascinant, et des danses rituelles élégantes ponctuées d’effets de purification somptueux : pétales, feux d’artifice, auras lumineuses… Tout est pensé pour évoquer en permanence une ambiance de peinture japonaise animée.
Sur le plan technique, la Switch 2 assure une fluidité constante, aussi bien en mode docké qu’en mode portable. Même lors de combats contre de larges vagues d’ennemis ou face à des boss imposants, aucune chute de framerate notable n’est à signaler. L’écran plus grand de la console en mode portable permet d’apprécier encore davantage la richesse des décors et la finesse de la mise en scène. Capcom a également inclus des options graphiques et d’accessibilité bienvenues, comme la désactivation du flou de mouvement ou de la profondeur de champ, permettant à chacun d’ajuster l’expérience à ses préférences.
Après avoir purifié une zone, elle devient un camp de base que vous pouvez revisiter. Vous pouvez y assigner des villageois pour réparer des structures endommagées, ce qui débloque des récompenses (Musubi pour améliorer les rôles, items divers). Bien que ce système offre un flux constant de récompenses utiles et renforce la progression, il manque de profondeur. Il se résume souvent à assigner des villageois et à revenir plus tard collecter la récompense, sans réelle gestion complexe ou prise de décision stratégique. C’est un aspect qui peut parfois friser la corvée (« busywork ») sans jamais atteindre le niveau d’engagement du cœur du jeu.
Conclusion
Kunitsu-Gami: Path of the Goddess est une réussite éclatante pour Capcom et un titre d'une originalité rafraîchissante dans le paysage actuel. Il réussit le tour de force de fusionner action nerveuse, stratégie en temps réel exigeante et gestion légère dans un écrin visuel et sonore absolument somptueux, profondément ancré dans la culture et le folklore japonais. Le cycle jour / nuit autour de la protection de Yoshiro est extrêmement bien pensé et addictif, et la progression constante en nouveaux rôles, ennemis et mécaniques maintient l'intérêt. Si quelques aspects peinent à atteindre le même niveau d'excellence – notamment la gestion du village un peu trop simpliste et une difficulté globale qui pourrait être plus mordante pour les joueurs aguerris –, ils sont largement compensés par la puissance de son identité, la beauté de son diorama vivant, la qualité de sa bande-son envoûtante et la fluidité de son gameplay hybride. Sur Nintendo Switch 2, il brille par sa performance optimisée et sa capacité à offrir cette expérience unique en mode portable comme sur grand écran. C'est une aventure stratégique et contemplative, une défense frénétique et chorégraphiée, un hommage vibrant à une culture. Kunitsu-Gami: Path of the Goddess n'est pas seulement un excellent jeu de lancement pour la Switch 2 ; c'est un titre audacieux et mémorable qui prouve que Capcom a toujours cette étincelle créative pour nous surprendre et nous émerveiller. Un incontournable pour les amateurs d'action stratégique et de beauté artistique.
LES PLUS
- Direction artistique sublime
- Fusion originale et réussie d'action et de stratégie
- Gameplay addictif
- Système de rôles / masques varié et stratégique
- Bande-son envoûtante et dynamique
- Performance technique optimale sur Switch 2
- Boss variés avec mécaniques uniques
LES MOINS
- Gestion du village (post-purification) trop superficielle
- Difficulté globale parfois trop clémente
- Doublage anglais médiocre (préférez le japonais)
- Schéma répétitif en milieu / fin de campagne